Consommation d'espace

Date de l'article 23.09.2019 - 13:00
Auteur Jean-Paul Salasse
En résumé Depuis plusieurs décennies, c'est au rythme moyen d’un solde net de 1000 personnes par mois que les nouveaux habitants s'installent dans l'Hérault, et les autres départements côtiers sont dans des situations comparables.
L'article

Entre 1983 et 2013, soit sur une période de 30 années, ce département a vu sa population s'accroître de 375 000 personnes, à un rythme annuel de croissance de 1,4%, ce qui est considérable.

Et ces nouveaux arrivants s'installent à 80% sur le tiers du territoire bordant la mer.

L'évolution urbaine se traduit par le fait que ces nouvelles populations désirent un habitat pavillonnaire, phénomène renforcé par les prix élevés du foncier, du m2bâti et par le montant des impôts locaux dans les centre-villes. D'où l'accroissement considérable des couronnes péri-urbaines, la création d'itinéraires routiers de bonne qualité se soldant par des «banlieues» des grandes villes couvrant aujourd'hui une couronne de 40/50 kilomètres autour du cœur de métropoles ou des capitales de communautés d'agglomérations.

Les SCOT (Schéma de Cohérence Territoriale) qui sont les documents d'urbanisme à l'échelle de grands territoires (il y en a 8 dans l'Hérault, dont certains débordent légèrement sur les départements voisins) et qui fixent les normes générales d'urbanisation, ont une référence quasi standard d'une densité de 20 logements à l'hectare nouvellement urbanisable pour les zones péri-urbaines. Un logement accueille en moyenne 2,6 personnes.

Les SCOT donc prévoient une densité moyenne de 52 personnes à l'hectare, soit une consommation moyenne de 230 m2 par habitant nouveau, ce qui correspond à une consommation globale d'espace de 230 000 m2 (23 hectares) par mois (275 hectares par an).

En réalité, entre 1983 et 2013, l'étalement urbain a gagné 17 000 hectares, soit 566 hectares annuels.

Parce que l'accroissement net de la population ne concerne pas seulement le logement dudit habitant, mais aussi des équipements publics (voiries, écoles, équipements sportifs, de santé, de loisirs..), des centres commerciaux et des zones d'activités économiques accueillant les entreprises elles aussi nouvelles.

En résumé, et malgré le fait que, dans les villes historiques, on peut (et on le fait) reconstruire la ville sur la ville (notamment en valorisant des friches industrielles), et donc économiser la consommation de nouveaux espaces, un nouvel arrivant dans nos territoires signifie la disparition d'environ 500m2 d'espace.

Ces prélèvements ne peuvent se faire qu'au détriment de deux catégories de paysages :

les paysages «naturels», dont on connaît les valeurs intrinsèques en ce qui concerne la biodiversité et les services «écosystémiques» qu'ils rendent aux populations humaines (détente, diminution des risques naturels, épuration des eaux...).

les paysages agricoles dont 22 000 hectares de Surfaces Agricoles Utiles (SAU) ont été perdus dans l'Hérault dans cette même période de 30 ans et dont on sait le potentiel qui nous sera peut-être utile un jour (celui où on se déciderait à produire localement les bases essentielles de notre alimentation au lieu de les importer à grands renforts de désordres sociaux, économiques et environnementaux).

D'une manière plus globale, on comprend bien que cet emballement ne peut pas durer éternellement (tous les 5 à 6 ans en France, l'équivalent de la surface d'un département disparaît sous les aménagements durs) et qu'il faudra trouver de larges améliorations dans la consommation d'espace par habitant nouveau (elle se réduit aujourd'hui par rapport à la décennie précédente) et par une diminution du solde migratoire aujourd'hui largement positif dans nos territoires.

Outre la consommation d'espace, l'étalement urbain a de larges conséquences :

la consommation d'eau (150 litres par habitant et par jour) dans un paysage où l'eau est rare (et le sera de plus en plus) et coûteuse à aller chercher ; l’eau pourrait bien devenir le principal facteur limitant de l'expansion démographique chez nous.

l'exposition aux risques naturels (submersion marine sur les zones littorales basses), inondations (en partie dues à l'imperméabilisation des sols par les aménagements), incendies (l'étalement urbain s'accompagne aussi d'un étalement forestier dans les zones de garrigues où la ville gagne dans la forêt et la forêt dans la ville).

la fragilisation des continuités écologiques (trames verte et bleue) à petite et à grande échelle.
Bien évidemment, ces questions sont extraordinairement complexes et les solutions simples n’existent pas.

Mais, la sensibilisation du public, le développement des transports en commun, des aménagements moins “imperméabilisateurs”, la lutte contre la spéculation foncière en maîtrisant mieux le foncier par des interventions publiques sont des pistes qu’on voit émerger, mais de façon isolée ou souvent désordonnée.


Sources : DREAL Occitanie, DDTM Hérault


Jean-Paul Salasse

Co-président des Écologistes de l'Euzière



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