Les championnes du champignon

Date de l'article 23.09.2019 - 03:00
Auteur Sabri et Sylvie
En résumé C’est l’automne ! Miam, une bonne poêlée de champignons ! Rien ne vaut la simplissime recette de Grand-mère, qui la tenait elle-même de sa grand-mère, qui la tenait de… STOP, mais depuis quand cette recette existe-t-elle donc ? Au moins depuis 50 millions d’années, nous diraient les fourmis !
L'article

Eh oui, certaines espèces américaines, communément appelées “coupe-feuilles”, sont en effet spécialisées dans la consommation de champignons. Ces fourmis, appartenant aux genres Atta et Acromyrmex, construisent de véritables champignonnières, qu’elles entretiennent consciencieusement.

La cueillette
Tout commence par la création d’un “tas de compost”, qui servira de base à la culture; et pour cela, il faut des restes végétaux. Qu’à cela ne tienne, une équipe d’ouvrières récolteuses part à l’assaut de la végétation : elles grimpent le long des troncs d’arbres, coupent le pétiole des feuilles, faisant ainsi tomber le précieux butin. Une équipe, restée en bas, s’empare des feuilles et les découpe en morceaux : ni trop gros, ni trop petits, juste la taille permettant le transport. Le relais est alors pris par l’équipe chargée du convoyage. Chaque fourmi surmontée de son fragment de feuille ou de fleur ressemble à un mini-parasol qui se déplace à grande vitesse, escortée par des fourmis-soldats. C’est joli, mais que de dégâts dans la végétation !


La découpe et la mise en culture
Les colis végétaux sont apportés jusque dans le nid, gigantesque structure composée de milliers de chambres enterrées à quelques mètres de profondeur. La livraison est alors prise en charge par d’autres ouvrières, chargées de la découpe de précision : les premières font des lanières, les suivantes, plus petites, de fins fragments, puis d’autres, de plus en plus petites, des lambeaux de plus en plus minuscules, formant une sorte de pâte. En bout de chaîne, des “mini-ouvrières” récupèrent cette mixture et l’incorporent dans le jardin à champignons, mélange intime entre les filaments du champignon et les fragments végétaux.
Les plus petites fourmis de la colonie sont les jardinières, qui travaillent d’arrache-pied à l’entretien de la culture. En bas du jardin, elles arrachent des touffes de filaments de champignon, pour les planter en haut, là où a été déposée la pâte végétale. Elles enrichissent aussi le haut du jardin en engrais de leur propre fabrication : leurs déjections comportent en effet des substances du champignon qu’elles consomment, substances capables de dégrader la matière végétale, venant compléter ainsi l’action directe du champignon.

Les traitements phytosanitaires
Les jardinières éliminent les parties malades du champignon et appliquent également des produits phytosanitaires biologiques : d’une part, elles produisent des substances antibiotiques qui empêchent la contamination de la champignonnière par des bactéries pathogènes.
D’autre part, elles vivent en association avec une bactérie qui produit un antifongique puissant capable d’éliminer un champignon parasite de celui qu’elles cultivent.
C’est une véritable production agro-alimentaire.

Une association champignon-fourmis à bénéfices réciproques
En effet, le champignon dégrade les résidus végétaux et utilise les produits de cette dégradation pour construire sa propre matière : des filaments qui sont consommés par les fourmis et des renflements (appelés mycotêtes), plus riches et qui servent à nourrir les larves et les reines. Mais n’allez pas croire que le champignon est une simple victime dans cette histoire : il tire lui aussi des bénéfices substantiels de l’association. Dans le sous-sol creusé par les fourmis, il trouve en effet des conditions idéales de température et d’humidité et est à l’abri des consommateurs de champignons. L’arsenal pharmaceutique dont disposent les fourmis le met également à l’abri de maladies bactériennes et fongiques.

Un matrimoine culturel ?
Et si chez nous, les recettes à base de champignons se transmettent de génération en génération, c’est peut-être les fourmis qui nous l’ont inspiré : une fourmi fondatrice ne quitte jamais sa colonie d’origine sans sa dot, composée d’un fragment de filament de champignon, qui lui servira à ensemencer sa nouvelle colonie, et d’un “kit de secours” sous la forme d’un filament de bactérie antifongique.


Sabri Hurtrez, 12 ans, est le junior du groupe faune dont il est un des membres fidèles depuis le début. Sylvie, sa maman, est coprésidente des Écolos et enseignant-chercheur en biologie-écologie. Les deux passent beaucoup de temps dehors, notamment dans leur jardin, à regarder les plantes pousser et à observer les animaux, sauvages et domestiques.


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