Plantes de Noël et de Nouvel an, ornementales et médicinales

Date de l'article 06.01.2020 - 09:00
Auteur Annie Fournier
En résumé Autour des festivités de fin d’année quelques plantes mythiques s’invitent dans nos intérieurs. En effet que serait un décor de Noël sans les branchages aux feuilles piquantes et aux baies rouges du houx ?
L'article

Autour des festivités de fin d’année quelques plantes mythiques s’invitent dans nos intérieurs. En effet que serait un décor de Noël sans les branchages aux feuilles piquantes et aux baies rouges du houx ? Quant au bouquet de gui du nouvel an, sa présence symbolique est gage de prospérité et de longue vie au sein du foyer. Plus exotique, le poinsettia vient également orner la maison de ses belles bractées rouges. Enfin, ces dernières années, les fleurs insolites de l’hellébore ont peu à peu colonisé nos balcons d’hiver.

Le Houx - Ilex aquifolium, Aquifoliacées                

Le houx, largement utilisé lors de ces moments de fête et de célébration, est un véritable symbole de protection. Autrefois dans les campagnes, quelques branches étaient accrochées la veille de Noël dans les étables et bergeries, pour protéger les animaux. Également, les guérisseurs l’utilisaient dans des rituels pour transférer la maladie (dermatoses sèches des animaux). Pour les chrétiens, il est spécifiquement associé à la Nativité. Le roi Hérode cherchant à tuer tous les nouveaux-nés juifs pour éliminer celui qui était annoncé comme le roi des juifs, Marie, Joseph et leur enfant s'enfuirent vers l'Égypte. Selon la tradition, à l'approche d'une troupe de soldats, ils se cachèrent dans un buisson de houx qui, dans un élan miraculeux, étendit ses branches pour dissimuler la Sainte Famille derrière son épais feuillage épineux. Marie bénit le buisson et souhaita qu'il restât toujours vert en souvenir de sa protection et comme symbole d'immortalité.  Cultivé depuis fort longtemps dans les jardins, il s’agit d’une espèce de sous-bois, commune en Europe jusqu’à 1500 m, et présente sur tout le territoire français. Des peuplements remarquables existent sur plusieurs sites méridionaux, par exemple dans le massif du Caroux (Hérault) ou au sein du massif de la Sainte Baume (Var). Poussant avec une lenteur extrême, l’arbre, à forme pyramidale, peut atteindre 25 m de haut et vivre 300 ans.  En cette période de fêtes, il conviendra de veiller à ce que les décorations de tables ne soient pas picorées par les enfants en fin de repas… En effet la consommation des fruits de houx peut donner lieu à une intoxication légère, avec apparition de vomissements, diarrhées, somnolence et parfois convulsions (alcaloïdes dont l’ilicine).  Dans le midi de la France, le houx commun est parfois concurrencé sur les tables de Noël par le fragon petit-houx, Ruscus aculeatus, une plante aux baies rouges certes, et bien piquante également, cependant de la famille des Asparagacées. Par ailleurs, houx et petit-houx sont deux plantes médicinales ; le premier est utilisé en gemmothérapie comme remède de la sclérose et des terrains épileptiques, le second est, par sa racine, dépuratif général et tonique veineux.       


Le Gui - Viscum album, Santalacées         

À Noël une boule de gui est souvent accrochée au plafond de l’entrée des maisons afin d’en recevoir sa force symbolique. Puis c’est en s’embrassant à minuit sous ce même gui, qu’il est d’usage de formuler de bons vœux pour la nouvelle année.

Il s’agit d’une plante tout à fait spéciale sans écorce ni racine, parasitant les branches de divers arbres à feuilles caduques et présentant des baies blanc nacré translucides. Plus précisément il est hémiparasite, dans la mesure où ses feuilles contenant de la chlorophylle lui permettent de fabriquer ses propres nutriments pendant l’été. Il prélève la sève brute de l’arbre sur lequel il se trouve, à l’aide de suçoirs pénétrant l’écorce et se ramifiant dans le bois. Par ailleurs sa croissance se fait curieusement sans notion de verticalité ou d’horizontalité, sous une forme géométrique sphérique concentrique, comme s’il n'était pas sensible à la pesanteur. Le peuple celtique considérait cette plante comme sacrée en raison des vertus médicinales, ou même miraculeuses, qui lui étaient attribuées. Selon l’historien romain Pline l’Ancien, les druides, au temps des Gaulois, se rendaient en forêt le sixième jour du solstice d’hiver afin de le récolter. Ils utilisaient pour cela une faucille en or puis enveloppaient la plante dans un linge blanc, signe de pureté. C'était le gui très rare du chêne qui était recherché ; gui, plante lunaire et chêne, arbre solaire, symbolisant force et puissance. Parmi ses nombreuses attributions, il pouvait chasser les mauvais esprits, purifier les âmes, guérir les corps, neutraliser les poisons, assurer la fécondité des troupeaux.  Au-delà des usages magiques, le gui est reconnu pour ses vertus médicinales, plus précisément celles de ses feuilles, utilisées sous forme de tisanes ou d’extraits, dans les cas d’hypertension artérielle et d’anxiété. Les macérats glycérinés de ses jeunes pousses sont indiqués dans les troubles du système cardiovasculaire principalement, en cas d’athérosclérose, de dyslipidémie ou d’asthme cardiaque. Enfin, en médecine anthroposophique, des remèdes à base de gui fermenté (feuilles, fruits) sont élaborés pour soigner des cancers ou tumeurs bénignes kystiques. L’activité antitumorale est essentiellement le fait de lectines, des glycoprotéines cytotoxiques, par ailleurs immunostimulantes.  La toxicité de la plante est liée surtout aux fruits dont l’ingestion provoque une soif intense, une irritation digestive, des vomissements, des diarrhées sanglantes, des douleurs abdominales (saponines, viscotoxines comme la viscine)…         


Le Poinsettia - Euphorbia pulcherrima, Euphorbiacées 

Il s’agit de la plante en pot la plus populaire du monde, encore appelée étoile de Noël, petit flamboyant, six-mois-vert, six-mois-rouge. À l'origine cette euphorbe est un arbrisseau pouvant s’élever jusqu’à deux mètres, provenant des hauts plateaux tropicaux humides d’Amérique Centrale et du Mexique, et fleurissant en hiver. Selon une ancienne légende aztèque, la plante est née d’une histoire d’amour tragique au cours de laquelle le cœur brisé d’une déesse aztèque laissa tomber au sol des gouttes de sang, donnant ainsi naissance à l’étoile de Noël. Pour les mexicains d’aujourd’hui ses fleurs sont associées à la nuit sainte : « flores de la Noche Buena ».  Au Mexique, du 14e au 16e siècle, elle fut cultivée pour préparer un pigment rouge destiné à la coloration de textiles et de produits cosmétiques. Son latex entrait dans la composition de remèdes pour diminuer la fièvre. La plante doit son nom à Joël Poinsett, ambassadeur des États-Unis d'Amérique au Mexique, médecin et botaniste passionné, qui succomba au charme de cette plante sauvage vers 1882 et la ramena dans sa ville de Philadelphie. En commémoration de la mort de Joël Poinsett, le 12 décembre 1851, le congrès des États-Unis décida d'instaurer la journée nationale du Poinsettia le 12 décembre. La coutume américaine consistant à s’offrir la plante à ce moment de l’année s’est ensuite propagée dans toute l’Europe.  Attention à la toxicité du poinsettia ; si les fleurs et les bractées sont peu toxiques, le latex par contre cause une irritation de la peau et des muqueuses, digestives et oculaires. Son ingestion provoque des vertiges, douleurs, tremblements, convulsions et autres troubles circulatoires. L’intoxication massive est rare mais peut être fatale (alcaloïdes, euphorbiostéroïdes…). 


L’Hellébore noir - Helleborus niger, Renonculacées            

Cette plante sauvage est aujourd’hui cultivée à des fins ornementales, et particulièrement pour être vendue autour de Noël. D’un blanc immaculé, ombrée de rose à l’extérieur et jaune étincelant en son centre, elle fleurit en général en février-mars à l’extérieur, en décembre à l’intérieur. Une autre espèce, Helleborus orientalis subsp. abchasicus, lui sera parfois préférée en raison de sa période de floraison à la mi-décembre et de sa couleur allant du blanc au pourpre foncé.

Depuis le Moyen Âge, elle symbolise la pureté et rappelle la légende à l'origine de son nom de rose de Noël. La nuit de la naissance de Jésus, une bergère gardant ses moutons, vit la caravane des bergers et des Rois Mages à travers son champ enneigé qui allaient offrir leurs présents au nouveau-né. N'ayant rien à offrir, elle se mit à pleurer. Un ange, voyant ses larmes sur la neige, les effleura et fit éclore son cadeau, une fleur blanche.   Ses autres noms font référence aux usages médicinaux de sa racine (herbe aux fous, herbe de feu, pied de griffon, pied de lion, patte d'ours, rose de serpent, pain de couleuvre…). Depuis l’Antiquité, elle servait en effet à soigner la folie ainsi que de nombreuses maladies incurables ; hélas la plupart des patients mouraient de ce remède si violemment purgatif. Pourquoi cette indication ? J.P. de Tournefort, botaniste du 17e siècle, rapporte que la racine était récoltée dans la ville ancienne d’Anticyre en Grèce, et que le paysage y était si beau que le voyage à lui seul pouvait influencer les mélancoliques.  Cette plante ne peut être utilisée aujourd’hui en phytothérapie, en raison de sa forte toxicité qui justifie même de prendre des gants pour la cueillir. Sa composition chimique comporte des saponosides de structure stéroïdienne, une lactone et un hétéroside (bufotalidine retrouvé dans le venin de crapaud). Les signes principaux d’intoxication sont des picotements de la bouche et de la gorge, des vomissements, des diarrhées et une mydriase.   Il existe cependant un remède homéopathique dont les indications sont effectivement en rapport avec des troubles psychiques comme la dépression taciturne (avec lenteur des réponses, stupeur, obnubilation), la dépression déclenchée par un arrêt des règles, et des troubles rénaux comme la néphrite aiguë.



Si vous souhaitez lire d'autres articles de ce numéro des "Echos des écolos", vous pouvez télécharger le numéro entier à cette page.