À l'approche de la nuit

Date de l'article 21.06.2019 - 09:00
Auteur Daniel Arazo
En résumé Chaque année, dès la deuxième quinzaine de mai et jusqu'en juillet, j'organise en soirée des petites sorties pédestres non loin de Montpellier. L'objectif est de choisir un site loin des lumières et des bruits de la ville et des villages, afin de voir et d'écouter le crépuscule, puis la nuit qui s'installe progressivement. C'est aussi l'occasion, si le ciel est bien dégagé, de procéder à une lecture de la voûte céleste. Parmi les nombreux endroits déjà vécus, il en est un que je privilégie particulièrement.
L'article

Sur le territoire de Cournonterral et en partant de la maison de retraite, une large piste mène à la bergerie dite "communale". Des boisements artificiels y côtoient une dense garrigue. En s'avançant sur le chemin qui rejoint St-Paul-et-Valmalle et sans toutefois aller aussi loin, nous nous installons dans une zone mixte de bois sombres et de basse végétation. Cet espace ouvert donne sur les courbes du val du Coulazou.

Instants crépusculaires

Nous y sommes juste avant le crépuscule, moment privilégié qui commence alors que le soleil descend à 6° au-dessous de l'horizon. Lorsque sa course atteint 12°, nous ne distinguons plus les contours des objets proches et à 18°, c'est l'obscurité totale. Pendant cette période, notre attention visuelle et auditive est à son paroxysme. La plupart des oiseaux diurnes regagnent leur nichoir. Certains se manifestent à ce moment-là par divers sons, tel le rouge-gorge (Erithacus rubecula), mais aussi le rouge-queue noir (Phoenicurus ochruros) qui, perché sur un point élevé, va émettre quelques dernières notes avant de retrouver son dortoir. C'est aussi le moment où les martinets noirs (Apus apus) se lancent dans des vols frénétiques et bruyants avant de prendre de l'altitude pour aller dormir dans les hautes couches atmosphériques, sauf durant la période de nidification. Le rossignol philomèle (Luscinia megarhynchos) affirme la puissance de sa voix qu'il est possible, en zone calme, d'entendre jusqu'à huit cent mètres de distance. Si son chant territorial de jour a pour but de repousser les intrus, son chant nocturne a comme objectif d'attirer une femelle. L'oiseau semble infatigable et n'a aucun concurrent dans son registre. Il peut émettre une soixantaine de strophes différentes, répétées de manière ordonnée.

À gauche : Martinet noir (d'après le site Oiseaux.net) À droite : Rossignol philomèle (d'après le site Oiseaux.net)


Un oiseau méconnu

Parallèlement, dès la fin du jour et en zone de végétation rase, on perçoit comme un léger vrombissement qui, en s'amplifiant, nous questionne. C'est le début des manifestations crépusculaires et nocturnes de l'engoulevent d'Europe (Caprimulgus europaeus). Après sa phase de chant, il s'envole silencieux en trajectoires ondulantes, son bec grand ouvert afin de capturer les insectes nocturnes. Cet oiseau est par contre difficile à voir au sol où il reste en place toute la journée. En effet, il est doté d'un plumage qui le camoufle totalement. Le nom d'engoulevent lui a été donné du fait de la large ouverture de son bec. L'origine serait le mot "engouler" provenant d'un ancien dialecte signifiant avaler. On croyait alors qu'il volait bec ouvert pour avaler le vent.

Patience récompensée

Bien entendu, dans ce secteur où nous nous positionnons, nous captons aussi les chants et les cris des rapaces noctunes. Le hibou petit-duc (Otus scops) peut être entendu à grande distance, la nuit mais aussi parfois bizarrement le jour. C'est un chasseur à l'affût qui consomme de gros insectes (orthoptères, lépidoptères). Parfois, une chouette hulotte (Strix aluco) passe non loin de nous ainsi qu'une chevêche d'Athéna (Athene noctua). Ce type de sortie nocturne exige de la patience mais aussi un comportement discret. Ce sont des moments magiques car, outre les oiseaux, on y voit par accoutumance rétinienne des formes bouger, on y entend des mammifères ainsi que de multiples insectes proches. Et alors je me dis que ces crépuscules et ces nuits sont des moments particulièrement riches et instructifs, à renouveler sans modération.

Infos spéciales

Pour participer à ces soirées organisées par Daniel, consultez le site de son association www.pourladecouverte.fr  Et aussi, le prochain Samedi Buissonnier des écolos, le samedi 29 juin 2019 à partir de 19h30 à Saint-Martin-de-Londres : “De la lumière à la nuit” avec des naturalistes, un astronome et un spécialiste de l’éclairage public.


Daniel Arazo, La connaissance et le respect du milieu naturel ont toujours été un moteur essentiel pour moi. J’essaie de les transmettre dans les activités associatives que je mène et dans les “balades” que je propose chaque semaine dans la “Gazette de Montpellier”.



Si vous souhaitez lire d'autres articles de ce numéro des "Echos des écolos", vous pouvez télécharger le numéro entier à cette page.