Groupe Faune : Des mondes perdus, retrouvés par Pierre-Olivier Antoine *

Date de l'article 21.06.2019 - 14:00
Auteur Sabri et Sylvie
En résumé Avec Pierre-Olivier Antoine, paléontologue, le groupe faune a récemment fait un saut dans le temps et dans l'espace. Au détour de la drailhe et des lavognes de Viols-le-Fort, nous nous sommes, le temps d'une balade, imaginés au Jurassique. C'est donc dans un océan profond que nous nous sommes promenés au milieu d'ammonites et de bélemnites, vieux cousins des seiches et calmars.
L'article

Au milieu de la garrigue, le travail du paléontologue paraîtrait presque facile, mais imaginez la même chose sur des terrains escarpés, en plein cœur de la forêt amazonienne, dans des conditions plus que difficiles. Pourtant, rien n'arrête la détermination des chercheurs et c'est grâce à l'étude de sites fossilifères, notamment au Pérou, que la naissance de l'Amazone et l'histoire de sa région sont élucidées. Ainsi, entre 70 et 50 millions d'années, encadrée par deux sillons marins, l'Amazonie était une gigantesque île (telle l'Australie actuellement). C'est dans ce contexte que la vie s'y est considérablement diversifiée faisant de cet endroit, déjà il y a 40 millions d'années, un véritable point chaud de biodiversité. D'étranges crocodiles terrestres et de petits marsupiaux y côtoyaient les plus vieux crabes d’eau douce connus, au milieu d'une végétation diversifiée.

Vers 15 millions d'années, le paysage change radicalement : un gigantesque golfe, qui s'étend sur 4000 km, accueille un archipel au milieu du continent, dans la “Mer Pebas”. Au fil du temps, entrées d'eau douce et d'eaux salées se succèdent, permettant la colonisation de la région par des groupes marins tels les dauphins, raies ou encore anchois. Un des emblèmes de la région à l'époque est un crocodile mangeur de mollusques, caractérisé par ses dents arrondies et son museau en bec de canard qui lui permettait de fouiller la vase. Cet environnement disparaît vers 10 millions d'années, avec le soulèvement des Andes et la naissance du fleuve Amazone. Fin de l'histoire ancienne il y a 3,5 millions d'années, avec l'émergence de Panama : Amérique du Nord et du Sud ne sont plus isolées et c'est la grande transhumance. Des faunes du Nord passent au Sud et vice-versa ; c'est à ce moment-là qu'arrivent des groupes actuellement emblématiques de l'Amérique du Sud, tels les pumas ou les tapirs.


Compliqué nous direz-vous ? Oui, mais pour les paléontologues, ça ressemble à du gâteau à côté de l'os que représente la Guyane toute proche ! Mission quasi-impossible pour y trouver des fossiles car l'essentiel du territoire est couvert par des terrains très anciens, de près de 1,5 milliards d'années, cuits et recuits par leurs aventures géologiques. Seule la frange littorale contient des terrains sédimentaires, très jeunes, eux, puisqu'ils ont au maximum quelques dizaines de milliers d'années. Pour couronner le tout, les roches y sont très acides et l'altération très importante, de sorte que la conservation des fossiles est plus que mauvaise. Une vieille fake news paléontologique, une dent de mammouth de Colomb, prétendument issue de Guyane mais qui viendrait en fait du Costa-Rica, il n'en faut pas plus aux esprits chagrins pour penser qu'il est impossible de trouver des fossiles en Guyane ! Mais « impossible » ne fait pas partie du vocabulaire des paléontologues, qui font feu de tout bois et pour qui un simple chantier peut se transformer en véritable mine d'informations. Alors quand le chantier est titanesque, c'est une occasion en or. C'est ainsi que les travaux pour la base de lancement de la fusée Ariane 6 ont récemment mis à jour les fossiles tant espérés : coquilles d'huîtres, d'escargots marins, dents de raies et de requins, restes de poissons osseux, et dans les couches juste au-dessus des palétuviers ! Autant de témoins d'un environnement côtier, en eaux calmes et peu profondes et de variations du niveau marin au cours des quelques centaines de derniers milliers d'années. Encore en cours d'étude, ces précieux échantillons n'ont pas encore livré tous leurs secrets : l'analyse de leur composition permettra bientôt de connaître leur âge et des études plus détaillées pourront même aider à mieux connaître l'écologie de ces organismes disparus. Nous attendons donc avec impatience que Pierre-Olivier revienne pour nous raconter la suite de l'histoire !


* Pierre-Olivier Antoine est professeur à l’Université de Montpellier. Merci pour sa brillante conférence et la sortie passionnante, ainsi que pour la relecture de cet article. 


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Sabri Hurtrez, 12 ans, est le junior du groupe faune dont il est un des membres fidèles depuis le début. Sylvie, sa maman, est coprésidente des Écolos et enseignant-chercheur en biologie-écologie. Les deux passent beaucoup de temps dehors, notamment dans leur jardin, à regarder les plantes pousser et à observer les animaux, sauvages et domestiques.