Les champignons médicinaux, des atouts pour l’immunité
Des propriétés variées
Sur les 15 000 espèces de
champignons “supérieurs” (Basiodiomycètes et Ascomycètes) qui existent
sur Terre, 700 d’entre eux ont des usages médicinaux, et plus de 1800
espèces pourraient présenter, selon les chercheurs, un intérêt
thérapeutique.
Dans nos contrées, les champignons ont de tout temps
suscité une certaine méfiance ; associés au monde souterrain et à ses
mystères, ils ont été tenus éloignés de la médecine et de nos
pharmacopées successives. Très peu de travaux scientifiques sont
disponibles, en dehors de ceux du Pr. Réveillères de la Faculté de
Pharmacie de Nantes, qui mettaient en valeur quelques espèces dans les
années 1980 : Boletus edulis, Cèpe de Bordeaux, agrégant plaquettaire - Agaricus campestris, Rosé des prés, anti-allergique respiratoire - Lepista nuda, « Pied bleu », anti-tumoral - Marasmius oreades, « Pied dur », antidépresseur - Pleurotus eryngii, Pleurote du panicaut, hypocholestérolémiant…
« En Asie, l’utilisation de champignons médicinaux fait partie des savoir-faire ancestraux de la médecine traditionnelle 1.
La recherche apporte aujourd’hui des arguments scientifiques à ces
pratiques » nous dit Sylvie Rapior de la faculté de Pharmacie de
Montpellier. Une collaboration avec des chercheurs thaïlandais a permis
de recenser les effets de nombreuses espèces ainsi que leurs mécanismes
d’action (2012). Les principales propriétés concernent la stimulation du
système immunitaire et la régulation du cholestérol et du glucose.
Par quelles substances les champignons agissent-ils ?
Dans
l’histoire de la thérapeutique occidentale, de remarquables substances
issues du monde des champignons microscopiques ont été découvertes,
comme les antibiotiques (ex. : pénicilline, céphalosporine), les
statines pour diminuer le taux de cholestérol, des antifongiques (ex. :
griséofulvine) ou encore des immunosuppresseurs (ex. : cyclosporine).
Les
parois cellulaires des macromycètes recèlent des molécules
particulièrement intéressantes sur le plan de l’immunité en général, et
des cellules cancéreuses en particulier ; ce sont les glycanes ou
polysaccharides, c’est-à-dire des polymères de plusieurs sucres simples
liés entre eux selon des séquences variées.
Ces molécules, parce
qu’elles ne sont pas synthétisées naturellement par le corps humain, ont
la capacité d’activer la réaction immunitaire. Elles induisent une
stimulation de l’activité cellulaire cytotoxique (lymphocytes T et
cellules Natural killer NK) permettant l’élimination des cellules
pathogènes, et, via l’activation de récepteurs membranaires, déclenchent
une forte réaction inflammatoire (synthèse de cytokines : TNFα et
interleukines).
D’autres substances sont impliquées dans cette
activité : des protéines, des lipides et de plus petites substances
comme des lectines, lactones, terpénoïdes, alcaloïdes, phénols ou
stérols. Certaines d’entre elles sont capables d’agir directement sur le
signal cellulaire impliqué dans le développement et la progression du
cancer.
Par ailleurs, sur le plan nutritionnel, les champignons
présentent l’intérêt de contenir tous les acides aminés essentiels et
sont plus riches en protéines que les végétaux. Leur concentration en
vitamines du groupe B (B1, B2, PP et B6 majoritaires), indispensables à
l’équilibre nerveux, est leur véritable atout. Quant aux minéraux
(phosphore, potassium et fer) et oligo-éléments (zinc, bore et surtout
sélénium), ils en sont très bien pourvus.
Cependant prudence, les
champignons ont tendance à accumuler certains déchets du sol ainsi que
de concentrer la radioactivité. Il convient d’être attentif à la qualité
des lieux où ils prospèrent ou du support de culture choisi.
La mycothérapie au service de l’immunité
Parmi les champignons les plus utilisés en thérapeutique pour stimuler le système immunitaire, en voici quelques-uns :
Agaricus subrufescens ou Agaricus blazei sensu, Blazei ou « Champignon de Dieu » (Agaricacées) :
Poussant
en sous-bois dans la forêt vierge du Brésil et maintenant cultivé en
Asie, il s’agit d’un comestible au délicat goût d'amande, proche de
celui du champignon de Paris.
Ses substances actives sont
protectrices des infections microbiennes et virales par leur action
immunostimulante. Certains composés sont également anti-mutagènes
in-vitro (composés : polysaccharides, glycoprotéines ainsi qu’agaritine,
ergostérol). Des études ont montré l’amélioration de la qualité de vie
de patientes traitées pour un cancer gynécologique par chimiothérapie.
Par ailleurs, cet Agaricus est traditionnellement utilisé dans la
dermatite (ou eczéma) atopique.
Ganoderma lucidum,
Ganoderme luisant, « Champignon de longévité », « miraculeux » ou «
herbe porte-bonheur », Reishi ou Ling Zhi en Chine, Saruno koshikake au
Japon (Ganodermatacées) :
Très
rare à l’état sauvage, il croît dans les forêts tempérées d’Asie et
d’Europe. Le Reishi est connu en Chine depuis 2000 ans comme grand
tonique du Qi (énergie vitale), et était employé pour stimuler mémoire,
vitalité et longévité. Il est comestible mais toutefois peu apprécié en
cuisine car coriace.
Ce Ganoderme est un champignon immunostimulant
qui stimule la production de cellules cytotoxiques et diminue la
prolifération des cellules tumorales (composés actifs : polysaccharides,
triterpènes). Il améliore la qualité de vie des patients sous
chimiothérapie cancéreuse. Il manifeste également une activité
anti-inflammatoire comparable à celle de l’hydrocortisone.
Par
ailleurs, il est hépatoprotecteur et bénéfique sur le rein
(glomérulonéphrite), protège le pancréas, régule le sucre dans le sang
ainsi que la tension artérielle.
Grifola frondosa, « Champignon dansant » ou « qui rend éternel », Hui Shu Hua en Chine, Maïtaké au Japon (Méripilacées) :
Il
serait le plus puissant des immunostimulants existant chez les plantes
ou les champignons (composés actifs : polysaccharides). L’activité des
cellules cytotoxiques du système immunitaire (chargées de détruire les
cellules cancéreuses) est multipliée de 1.5 à 3 grâce à des prises
orales d’extraits aqueux de Maïtaké. Dans certains cancers, les
chimiothérapies sont ainsi potentialisées. Par ailleurs des
triacylglycérols ont des effets anti-mutagènes directs.
Il manifeste
également une activité métabolique intéressante. Anti-stress,
anti-oxydant ralentissant les processus dégénératifs, il régule la
tension, abaisse le cholestérol et les triglycérides, améliore la
tolérance au glucose et protège le foie de l’action de divers
médicaments.
Lentinula edodes, Lentin du chêne (quand
cultivé sur bois de chêne) ou « Champignon du samouraï », Xang gu en
Chine, Shiitaké au Japon (Marasmiacées) :
Autrefois
réservé aux seuls empereurs comme remède universel aux milles vertus,
c’est le champignon le plus cultivé dans le monde avec le champignon de
Paris, doublement apprécié pour ses qualités gustatives et ses
propriétés vitalisantes.
Des centaines d'études cliniques lui ont été
consacrées ces dernières années en Asie, en Europe et aux États Unis.
Le Shiitaké est immunostimulant et anti-mutagène par ses polysaccharides
(lentinane) et autres composés (ex : ester d’acide caféique).
Il a
par ailleurs une action métabolique et cardio-vasculaire. Les
asiatiques l’utilisent pour faire baisser la tension, le cholestérol et
lutter contre les infections (substance antibiotique).
Inonotus obliquus, Chaga ou Tchaga, le « Champignon de Soljenitsyne », Bai Hua Rong en Chine, Kabanoanakake au Japon (Hyménochaétacées) :
Récolté
sur les troncs de bouleau qu’il parasite, ce champignon à l’aspect de
bois brûlé est consommable en l’état, frais et cru. Utilisé par les
russes et les asiatiques depuis des milliers d’années, il a bon goût et
ne présente aucune toxicité.
Les russes élaborent une boisson
fortifiante très célèbre chez eux, remède nommé « Belfunginum » destiné à
toute la famille, à tous les âges. Dans son livre « Le pavillon des
cancéreux », Soljenitsyne évoque une région de Sibérie épargnée par le
cancer grâce à la coutume de boire en guise de thé une infusion de ce
champignon. Il fait partie de la pharmacopée russe depuis 1955, présenté
comme anti-cancéreux (composé : acide bétulinique, également retrouvé
dans l’écorce de bouleau).
La poudre de Chaga est réputée antiseptique et cicatrisante par voie externe (polyphénols).
Comment utiliser les champignons médicinaux ?
Les
pays d’Asie pratiquent aujourd’hui une culture industrielle ou
semi-industrielle d’un certain nombre d’espèces (myciculture), dont
certaines techniques ont été transférées en Occident.
Dans le
commerce, ils seront retrouvés sous différentes présentations en tant
que compléments alimentaires : poudres, extraits liquides ou extraits
secs standardisés. Les extraits seront préférés aux poudres en raison de
leur plus forte teneur en polysaccharides ayant une action immunitaire.
La poudre, quant à elle, est plus riche en certains minéraux et
vitamines et conviendra à la prévention.
Pour certaines espèces,
le mycélium, recelant également des actifs intéressants, est exploité.
Ses qualités sont soumises à davantage d’aléas, avec des effets
thérapeutiques variables.
Exemple d’utilisation du Shiitaké, pour « booster » le système immunitaire avant l’hiver :
Prendre
5 g de champignon séché par jour ou 3 gélules de poudre par jour ou 1
gélule d’extrait titré en polysaccharides (20 à 30%), en cure pendant 3
semaines.
Par prudence, le shiitaké est déconseillé aux femmes
enceintes ou allaitantes, ainsi qu’aux enfants. Il peut occasionner des
troubles de type allergique ou digestif.
1 -
Le premier ouvrage de matière médicale chinoise, traitant de drogues
végétales, animales et minérales, le Shennong bencao jing, décrit un
certain nombre de champignons médicinaux. Datant des alentours du début
de notre ère, il serait une compilation de textes beaucoup plus anciens.
Annie Fournier, Dr en pharmacie,
formatrice et rédactrice dans le domaine des plantes médicinales et de
la santé naturelle, adhérente de l'association depuis 2000.
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