Les champignons médicinaux, des atouts pour l’immunité

Date de l'article 23.09.2019 - 08:00
Auteur Annie Fournier
En résumé Alors que les plantes médicinales sont unanimement reconnues sur la planète, les champignons aux vertus thérapeutiques ne suscitent qu’un intérêt secondaire, du moins en Occident où l’on se préoccupe davantage de leurs qualités gustatives et d’éventuels risques d’intoxication. Certains pays d’Asie (Chine, Japon, Corée notamment) les mettent pourtant à profit depuis des millénaires pour soigner bien des affections.
L'article

Des propriétés variées
Sur les 15 000 espèces de champignons “supérieurs” (Basiodiomycètes et Ascomycètes) qui existent sur Terre, 700 d’entre eux ont des usages médicinaux, et plus de 1800 espèces pourraient présenter, selon les chercheurs, un intérêt thérapeutique.
Dans nos contrées, les champignons ont de tout temps suscité une certaine méfiance ; associés au monde souterrain et à ses mystères, ils ont été tenus éloignés de la médecine et de nos pharmacopées successives. Très peu de travaux scientifiques sont disponibles, en dehors de ceux du Pr. Réveillères de la Faculté de Pharmacie de Nantes, qui mettaient en valeur quelques espèces dans les années 1980 : Boletus edulis, Cèpe de Bordeaux, agrégant plaquettaire - Agaricus campestris, Rosé des prés, anti-allergique respiratoire - Lepista nuda, « Pied bleu », anti-tumoral - Marasmius oreades, « Pied dur », antidépresseur - Pleurotus eryngii, Pleurote du panicaut, hypocholestérolémiant…


« En Asie, l’utilisation de champignons médicinaux fait partie des savoir-faire ancestraux de la médecine traditionnelle 1. La recherche apporte aujourd’hui des arguments scientifiques à ces pratiques » nous dit Sylvie Rapior de la faculté de Pharmacie de Montpellier. Une collaboration avec des chercheurs thaïlandais a permis de recenser les effets de nombreuses espèces ainsi que leurs mécanismes d’action (2012). Les principales propriétés concernent la stimulation du système immunitaire et la régulation du cholestérol et du glucose.

Par quelles substances les champignons agissent-ils ?

Dans l’histoire de la thérapeutique occidentale, de remarquables substances issues du monde des champignons microscopiques ont été découvertes, comme les antibiotiques (ex. : pénicilline, céphalosporine), les statines pour diminuer le taux de cholestérol, des antifongiques (ex. : griséofulvine) ou encore des immunosuppresseurs (ex. : cyclosporine).
Les parois cellulaires des macromycètes recèlent des molécules particulièrement intéressantes sur le plan de l’immunité en général, et des cellules cancéreuses en particulier ; ce sont les glycanes ou polysaccharides, c’est-à-dire des polymères de plusieurs sucres simples liés entre eux selon des séquences variées.

Ces molécules, parce qu’elles ne sont pas synthétisées naturellement par le corps humain, ont la capacité d’activer la réaction immunitaire. Elles induisent une stimulation de l’activité cellulaire cytotoxique (lymphocytes T et cellules Natural killer NK) permettant l’élimination des cellules pathogènes, et, via l’activation de récepteurs membranaires, déclenchent une forte réaction inflammatoire (synthèse de cytokines : TNFα et interleukines).

D’autres substances sont impliquées dans cette activité : des protéines, des lipides et de plus petites substances comme des lectines, lactones, terpénoïdes, alcaloïdes, phénols ou stérols. Certaines d’entre elles sont capables d’agir directement sur le signal cellulaire impliqué dans le développement et la progression du cancer.

Par ailleurs, sur le plan nutritionnel, les champignons présentent l’intérêt de contenir tous les acides aminés essentiels et sont plus riches en protéines que les végétaux. Leur concentration en vitamines du groupe B (B1, B2, PP et B6 majoritaires), indispensables à l’équilibre nerveux, est leur véritable atout. Quant aux minéraux (phosphore, potassium et fer) et oligo-éléments (zinc, bore et surtout sélénium), ils en sont très bien pourvus.

Cependant prudence, les champignons ont tendance à accumuler certains déchets du sol ainsi que de concentrer la radioactivité. Il convient d’être attentif à la qualité des lieux où ils prospèrent ou du support de culture choisi.

La mycothérapie au service de l’immunité

Parmi les champignons les plus utilisés en thérapeutique pour stimuler le système immunitaire, en voici quelques-uns :

Agaricus subrufescens ou Agaricus blazei sensu, Blazei ou « Champignon de Dieu » (Agaricacées) :

Poussant en sous-bois dans la forêt vierge du Brésil et maintenant cultivé en Asie, il s’agit d’un comestible au délicat goût d'amande, proche de celui du champignon de Paris.

Ses substances actives sont protectrices des infections microbiennes et virales par leur action immunostimulante. Certains composés sont également anti-mutagènes in-vitro (composés : polysaccharides, glycoprotéines ainsi qu’agaritine, ergostérol). Des études ont montré l’amélioration de la qualité de vie de patientes traitées pour un cancer gynécologique par chimiothérapie. Par ailleurs, cet Agaricus est traditionnellement utilisé dans la dermatite (ou eczéma) atopique.


Ganoderma lucidum, Ganoderme luisant, « Champignon de longévité », « miraculeux » ou « herbe porte-bonheur », Reishi ou Ling Zhi en Chine, Saruno koshikake au Japon (Ganodermatacées) :

Très rare à l’état sauvage, il croît dans les forêts tempérées d’Asie et d’Europe. Le Reishi est connu en Chine depuis 2000 ans comme grand tonique du Qi (énergie vitale), et était employé pour stimuler mémoire, vitalité et longévité. Il est comestible mais toutefois peu apprécié en cuisine car coriace.
Ce Ganoderme est un champignon immunostimulant qui stimule la production de cellules cytotoxiques et diminue la prolifération des cellules tumorales (composés actifs : polysaccharides, triterpènes). Il améliore la qualité de vie des patients sous chimiothérapie cancéreuse. Il manifeste également une activité anti-inflammatoire comparable à celle de l’hydrocortisone.
Par ailleurs, il est hépatoprotecteur et bénéfique sur le rein (glomérulonéphrite), protège le pancréas, régule le sucre dans le sang ainsi que la tension artérielle.


Grifola frondosa, « Champignon dansant » ou « qui rend éternel », Hui Shu Hua en Chine, Maïtaké au Japon (Méripilacées) :

Il serait le plus puissant des immunostimulants existant chez les plantes ou les champignons (composés actifs : polysaccharides). L’activité des cellules cytotoxiques du système immunitaire (chargées de détruire les cellules cancéreuses) est multipliée de 1.5 à 3 grâce à des prises orales d’extraits aqueux de Maïtaké. Dans certains cancers, les chimiothérapies sont ainsi potentialisées. Par ailleurs des triacylglycérols ont des effets anti-mutagènes directs.
Il manifeste également une activité métabolique intéressante. Anti-stress, anti-oxydant ralentissant les processus dégénératifs, il régule la tension, abaisse le cholestérol et les triglycérides, améliore la tolérance au glucose et protège le foie de l’action de divers médicaments.

Lentinula edodes, Lentin du chêne (quand cultivé sur bois de chêne) ou « Champignon du samouraï », Xang gu en Chine, Shiitaké au Japon (Marasmiacées) :

Autrefois réservé aux seuls empereurs comme remède universel aux milles vertus, c’est le champignon le plus cultivé dans le monde avec le champignon de Paris, doublement apprécié pour ses qualités gustatives et ses propriétés vitalisantes.
Des centaines d'études cliniques lui ont été consacrées ces dernières années en Asie, en Europe et aux États Unis. Le Shiitaké est immunostimulant et anti-mutagène par ses polysaccharides (lentinane) et autres composés (ex : ester d’acide caféique).

Il a par ailleurs une action métabolique et cardio-vasculaire. Les asiatiques l’utilisent pour faire baisser la tension, le cholestérol et lutter contre les infections (substance antibiotique).

Inonotus obliquus, Chaga ou Tchaga, le « Champignon de Soljenitsyne », Bai Hua Rong en Chine, Kabanoanakake au Japon (Hyménochaétacées) :


Récolté sur les troncs de bouleau qu’il parasite, ce champignon à l’aspect de bois brûlé est consommable en l’état, frais et cru. Utilisé par les russes et les asiatiques depuis des milliers d’années, il a bon goût et ne présente aucune toxicité.

Les russes élaborent une boisson fortifiante très célèbre chez eux, remède nommé « Belfunginum » destiné à toute la famille, à tous les âges. Dans son livre « Le pavillon des cancéreux », Soljenitsyne évoque une région de Sibérie épargnée par le cancer grâce à la coutume de boire en guise de thé une infusion de ce champignon. Il fait partie de la pharmacopée russe depuis 1955, présenté comme anti-cancéreux (composé : acide bétulinique, également retrouvé dans l’écorce de bouleau).
La poudre de Chaga est réputée antiseptique et cicatrisante par voie externe (polyphénols).

Comment utiliser les champignons médicinaux ?

Les pays d’Asie pratiquent aujourd’hui une culture industrielle ou semi-industrielle d’un certain nombre d’espèces (myciculture), dont certaines techniques ont été transférées en Occident.
Dans le commerce, ils seront retrouvés sous différentes présentations en tant que compléments alimentaires : poudres, extraits liquides ou extraits secs standardisés. Les extraits seront préférés aux poudres en raison de leur plus forte teneur en polysaccharides ayant une action immunitaire. La poudre, quant à elle, est plus riche en certains minéraux et vitamines et conviendra à la prévention.

Pour certaines espèces, le mycélium, recelant également des actifs intéressants, est exploité. Ses qualités sont soumises à davantage d’aléas, avec des effets thérapeutiques variables.


Exemple d’utilisation du Shiitaké, pour « booster » le système immunitaire avant l’hiver :
Prendre 5 g de champignon séché par jour ou 3 gélules de poudre par jour ou 1 gélule d’extrait titré en polysaccharides (20 à 30%), en cure pendant 3 semaines.

Par prudence, le shiitaké est déconseillé aux femmes enceintes ou allaitantes, ainsi qu’aux enfants. Il peut occasionner des troubles de type allergique ou digestif.


1 - Le premier ouvrage de matière médicale chinoise, traitant de drogues végétales, animales et minérales, le Shennong bencao jing, décrit un certain nombre de champignons médicinaux. Datant des alentours du début de notre ère, il serait une compilation de textes beaucoup plus anciens.


Annie Fournier, Dr en pharmacie, formatrice et rédactrice dans le domaine des plantes médicinales et de la santé naturelle, adhérente de l'association depuis 2000.


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