Mon coin de paradis : la pointe de l'Espiguette
Son nom est évocateur : l'Espiguette, le petit épi. En réalité, une
langue de sable qui s'avance dans la mer et qui progresse vers le golfe
du Grau-du-Roi d'environ un mètre par an.
L'étendue est vaste.
Depuis la Méditerranée en allant vers l’intérieur des terres, on trouve
d'abord les laisses de mer, toujours objets de curiosité. Puis du sable,
du sable, du sable... À la faveur des grands vents se forment des dunes
éoliennes, les barkhanes. Des dunes comme celles qu'on peut trouver
dans les déserts. Aucune végétation ne les fixe. Elles sont donc
mobiles. Leur forme est celle d’un croissant dont les cornes sont
orientées dans le sens où souffle le vent.
Après quelques centaines de mètres apparaissent les plantes pionnières, premières fixatrices du sédiment : Cakile maritime (Cakile maritima), Panais porte-épines (Echinophora spinosa), Euphorbe des dunes (Euphorbia paralias)... Le vent, encore lui, entraîne la formation de petits tas de sable en « aval », à l'abri des touffes herbacées. D'où le nom de dunes-girouettes donné à ces micro-reliefs.
Jeune pied de Cakile maritime en haut de plage
Rapidement, les dunes accueillent une flore plus installée et prennent alors de la hauteur. Jusqu'à 11 mètres d'altitude à proximité du phare. Ce n'est pas le Pilat mais tout de même... Dans ce contexte de dunes et de creux, d'exposition à la mer ou à l'abri de celle-ci, un regard attentif permettra de distinguer des groupements végétaux sensiblement différents. Ici l'Oyat (Ammophila arenaria) et son cortège, ailleurs la Patience de Tanger (Rumex roseus), la Canne de Ravenne (Tripidium ravennae), qui n'est pas loin de sa limite occidentale, le Jonc aigu (Juncus acutus), le genévrier de Phénicie dans sa forme littorale (Juniperus phoenicea subsp. turbinata)... Les pins maritimes (Pinus pinaster) et leurs cousins « parasols » (Pinus pinea), plantés ou issus de la dissémination naturelle des graines à partir des semenciers, forment l'essentiel de la végétation arborée.
Canne de Ravenne en creux de dune - Canne de Ravenne : inflorescence
Les animaux sont plus “discrets” mais… Voici l'échappée furtive d'un Psammodrome des sables (Psammodromus edwarsianus), l'étonnante coquille de la Caragouille des dunes (Xerosecta explanata),
qui repose au sol par sa face plane lui permettant d'être moins balayée
par le vent. Ici l’entonnoir creusé par la larve d’un fourmilion, là
les traces de la Pimélie (Pimelia muricata) ou l’insecte lui-même.
Pimélie - Caragouille des dunes
Bien d'autres choses encore...
Alors,
le paradis, je ne sais pas mais pour peu que le Mistral ait dégagé
l'atmosphère, le bleu du ciel rejoignant celui, parfois vert, de la mer
vous donnera peut-être en bonus l'opportunité de voir au loin, bien
après le Mont St-Clair, le massif des Corbières et celui du Canigou.
Voilà de quoi joindre, en une après-midi, au bénéfice d'un grand bol
d'air iodé celui d'une double approche paysagère et naturaliste. Et le
plaisir d'une baignade ?
Photos : Jean-Pierre Vigouroux
Jean-Pierre Vigouroux,
Longtemps salarié de l'association, je mène aujourd'hui mon esquif en
tant qu'auto-entrepreneur dans les domaines de la botanique, de la
formation et d'activités diverses ayant trait à la médiation
scientifique.
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