Mon coin de paradis : la pointe de l'Espiguette

Date de l'article 23.09.2019 - 07:00
Auteur Jean-Pierre Vigouroux
En résumé Avec un littoral de moins de 20 km de long, le Gard pourrait être considéré comme le parent pauvre des départements que la Méditerranée, selon son humeur, caresse ou bouscule. Ce serait compter sans la pointe de l'Espiguette qui forme un des plus beaux complexes dunaires de la Méditerranée française. J'aime y faire quelques pèlerinages annuels, de l'automne au printemps, avant l'arrivée des plagistes (eh, oui).
L'article

Son nom est évocateur : l'Espiguette, le petit épi. En réalité, une langue de sable qui s'avance dans la mer et qui progresse vers le golfe du Grau-du-Roi d'environ un mètre par an.
L'étendue est vaste. Depuis la Méditerranée en allant vers l’intérieur des terres, on trouve d'abord les laisses de mer, toujours objets de curiosité. Puis du sable, du sable, du sable... À la faveur des grands vents se forment des dunes éoliennes, les barkhanes. Des dunes comme celles qu'on peut trouver dans les déserts. Aucune végétation ne les fixe. Elles sont donc mobiles. Leur forme est celle d’un croissant dont les cornes sont orientées dans le sens où souffle le vent.

Après quelques centaines de mètres apparaissent les plantes pionnières, premières fixatrices du sédiment : Cakile maritime (Cakile maritima), Panais porte-épines (Echinophora spinosa), Euphorbe des dunes (Euphorbia paralias)... Le vent, encore lui, entraîne la formation de petits tas de sable en « aval », à l'abri des touffes herbacées. D'où le nom de dunes-girouettes donné à ces micro-reliefs.


Jeune pied de Cakile maritime en haut de plage

Rapidement, les dunes accueillent une flore plus installée et prennent alors de la hauteur. Jusqu'à 11 mètres d'altitude à proximité du phare. Ce n'est pas le Pilat mais tout de même... Dans ce contexte de dunes et de creux, d'exposition à la mer ou à l'abri de celle-ci, un regard attentif permettra de distinguer des groupements végétaux sensiblement différents. Ici l'Oyat (Ammophila arenaria) et son cortège, ailleurs la Patience de Tanger (Rumex roseus), la Canne de Ravenne (Tripidium ravennae), qui n'est pas loin de sa limite occidentale, le Jonc aigu (Juncus acutus), le genévrier de Phénicie dans sa forme littorale (Juniperus phoenicea subsp. turbinata)... Les pins maritimes (Pinus pinaster) et leurs cousins « parasols » (Pinus pinea), plantés ou issus de la dissémination naturelle des graines à partir des semenciers, forment l'essentiel de la végétation arborée.


Canne de Ravenne en creux de dune - Canne de Ravenne : inflorescence


Les animaux sont plus “discrets” mais… Voici l'échappée furtive d'un Psammodrome des sables (Psammodromus edwarsianus), l'étonnante coquille de la Caragouille des dunes (Xerosecta explanata), qui repose au sol par sa face plane lui permettant d'être moins balayée par le vent. Ici l’entonnoir creusé par la larve d’un fourmilion, là les traces de la Pimélie (Pimelia muricata) ou l’insecte lui-même.



Pimélie - Caragouille des dunes


Bien d'autres choses encore...
Alors, le paradis, je ne sais pas mais pour peu que le Mistral ait dégagé l'atmosphère, le bleu du ciel rejoignant celui, parfois vert, de la mer vous donnera peut-être en bonus l'opportunité de voir au loin, bien après le Mont St-Clair, le massif des Corbières et celui du Canigou. Voilà de quoi joindre, en une après-midi, au bénéfice d'un grand bol d'air iodé celui d'une double approche paysagère et naturaliste. Et le plaisir d'une baignade ?

Photos : Jean-Pierre Vigouroux


Jean-Pierre Vigouroux, Longtemps salarié de l'association, je mène aujourd'hui mon esquif en tant qu'auto-entrepreneur dans les domaines de la botanique, de la formation et d'activités diverses ayant trait à la médiation scientifique.



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