La lettre saisonnière des écolos
Le coin des jeunes lecteurs : Une libellule a pondu
Le coin des jeunes lecteurs : Une libellule a pondu
Du nouveau pour les jeunes lecteurs.
C’est la fête aux éditions des Écologistes de l’Euzière ! Un album jeunesse est né, premier de la collection Vice-versa, imaginée par Marion Bottollier- Curtet et Serge Müller, les auteurs. Une libellule a pondu, paru fin 2019, est une petite merveille par ses illustrations à l’aquarelle, réalistes mais légères et translucides comme des ailes de libellule. Tout au long du livre, on vit les différentes phases de la vie d’une libellule : de l’insecte gracieux et aérien à sa larve étonnante, véritable ogresse des mares, en passant par l’œuf et par ce moment magique où la libellule fait exploser son exuvie pour prendre son envol.
Le livre est conçu pour se lire « à l’endroit » et « à l’envers ».À l’envers, ou plutôt « en marche arrière », on comprend de façon originale comment le caractère cyclique de la vie peut être abordé aussi bien en termes de causes que de conséquences. Une véritable prouesse graphique et éditoriale !
Une Libellule a pondu sera bientôt suivi d’autres albums conçus de la même façon.
Rozenn
Le coin des jeunes lecteurs : chimie verte
Le coin des jeunes lecteurs : chimie verte
Le coin des jeunes
Un livre amusant pour les 9/12 ans et plus, qui nous parle de molécules, d’atomes, d’ions, de solvants et de bien d’autres mots jugés très sérieux et pour les « grands », est-ce possible ? C’est ce que réussit à faire ce petit livre broché, paru il y a déjà quelques années mais toujours autant d’actualité car il aborde tous les domaines y compris la pollution, les déchets, l’agriculture biologique etc.
« Un livre étonnant et nécessaire pour comprendre que le mot « chimie » ne rime pas forcément avec pollution ». Les illustrations façon bande dessinée apportent légèreté, humour et gaieté.
La chimie verte, Actes Sud, collection « A petits pas », 2014
Par Emilie Ramel, Caroline Willay et Laurent Kling
Pour une écologie du sensible
Pour une écologie du sensible
Jacques Tassin . Éditions Odile Jacob ; Février 2020
Un nouveau livre de Jacques Tassin, chercheur en écologie végétale au CIRAD de Montpellier, qui une fois de plus, à travers ses ouvrages, nous invite à aller au-delà des idées reçues.
Ce livre est un livre courageux, venant d’un chercheur du sérail, car au milieu des océans de rationalité où baigne la recherche en écologie, il nous ouvre des portes vers des approches où la sensibilité doit prendre toute sa place.
Nous connaissons bien cela aux écolos où à notre manière, dès les débuts de l’association, nous avons toujours cherché à conjuguer avec la rigueur scientifique, le contact avec le terrain et les approches sensorielles, sensibles et créatives que ce soit avec les enfants ou les adultes.
Comme dans ses ouvrages précédents, Jacques Tassin étaye ses propos en citant de nombreux auteurs (on aimerait avoir le temps de tous les lire !) mais force est de constater qu’il y a très peu de nom d’auteurs français dans sa bibliographie. Cela met un peu plus en évidence l’écart qu’il y a entre d’une part les éducateurs à l’environnement, rompus aux pratiques d’éveil sur le terrain, dont certains écrivent d’excellents ouvrages, (quelques uns publiés par les écologistes de l’Euzière, bibliographie disponible sur demande ! ) et d’autre part le monde de la recherche, où les quelques chercheurs qui travaillent sur ces sujets sont généralement réfugiés dans les laboratoires de sciences de l’éducation mais pas dans ceux d’écologie !
Le dernier chapitre de son ouvrage s’intitule « Retrouvailles » un vœu pour que, suite à ce triste épisode de confinement, tout un chacun puisse renouer avec le vivant, ordinaire ou merveilleux, à portée de main ou beaucoup plus loin...
Jean B
Qu'est-ce qui fait sourire les animaux ?
Qu'est-ce qui fait sourire les animaux ?
Carl Safina - Edition La Librairie Vuibert – 556 pages – 2015 titre original (bien meilleur) Beyond Words: What Animals Think and Feel - (traduit en 2018)
Si Darwin pouvait lire ce livre, il boirait sûrement du petit lait.
Qu'est-ce qui nous fait croire que les animaux n'éprouvent pas d'émotions ni de sentiments ? La crainte d'une interprétation anthropomorphique de l'observation de leur comportement ? Carl Safina pose la question : et si c'était simplement nous qui sommes comme eux ?
Une éléphante recouvre de branchages le corps d'une vieille femme blessée dans la savane. Les éléphants ne font ça avec aucune autre espèce que la leur. Comment imaginer que ce soit pour autre chose que pour lui éviter d'être attaquée par les hyènes ? Et parce qu'ils entretiennent avec l'espèce humaine une relation particulière ? Un éléphant revient chaque année au camp de son ancien soigneur à la date anniversaire de la mort de celui-ci. Porte-t-il son « deuil » ? Peut-on se permettre de supprimer les guillemets ?
Une enquête approfondie auprès d'éthologues qui ont passé leur vie à observer les loups, les orques et les éléphants sur le terrain, a permis à Carl Safina de dresser une impressionnante liste de comportements qui posent forcément, mais forcément la question de leur joie, de leur amour, de leur chagrin, de leur jalousie.
C'est passionnant, c'est bluffant, c'est troublant, je dirais même c'est bouleversant.
Luc David
Occitanie, miroir du monde, de Jean-Marc Sor, Editions Plumes de Carotte 2019
Occitanie, miroir du monde, de Jean-Marc Sor, Editions Plumes de Carotte 2019
Pourquoi partir au bout du monde lorsque la proximité nous offre un panel des plus beaux sites mondiaux ? « L’Occitanie, aussi étonnant que cela puisse paraître, contient la planète entière dans toute sa splendeur et sa variété » nous interpelle l’auteur.
Le principe est simple, tout comme les humains qui ont - paraît-il - des sosies à travers le monde, l’auteur a recherché les miroirs de nos sites occitans. Il compare deux photos représentant un lieu régional et une contrée lointaine. Une carte introductive en révèle son extrême diversité, déployée dans chaque département. Si les écosystèmes de montagne sont prédominants, l’altitude tout comme la latitude est un facteur de changement, près de 150 sites sont comparés : désert, toundra, forêt tropicale, grotte, cascades, canyon, volcan, plage ou lac mythique, rien n’est oublié.
Comment est-ce possible ? Du 42e au 45e parallèle, du sud de Perpignan au nord de Cahors, l’Occitanie chevauche le biome méditerranéen et les forêts tempérées caducifoliées. Ajoutez-y une façade maritime, des massifs à plus de 3000 m et une géologie extrêmement variée, c’est le jackpot.
Des exemples sont bluffants de ressemblances comme les tours jumelles de Peyrusse-le-Roc en forêt d’Audière (Aveyron) et le château de Gymes des Carpathes (Slovaquie). Pour contempler des prairies de linaigrette, plante arctique, vous avez le choix entre dans la vallée de Gaube (Hautes Pyrénées) ou le Groenland. Le mimétisme est parfois si parfait qu’il faut lire la légende des photos pour identifier le modèle ou sa copie. Ainsi, le lac de Bethmale (Ariège) à 1000 mètres d’altitude rivalise sans problème avec ses cousins canadiens. Parfois, la ressemblance n’affiche qu’un air de famille, comme le tépuis Kukenan (Vénézuela) et le pic de Montségur (Ariège). Il y a l’effet « bonsaï » lorsque la copie occitane miniaturise le modèle : le lac du Canet (Pyrénées Orientales) avec son arrière-plan enneigé du Canigou fait l’écho du lac Titicaca (massif des Andes) ou les concrétions de la grotte de Lombrives (Ariège) qui sont le miroir souterrain de la Monument Valley (USA).
L’ambiance tropicale de la Gourgue d’Asque (Ariège) ou du ruisseau du Rô (Tarn) nous emmène dans l’exubérance végétale des forêts du mont Apo aux Philippines ou de la Sierra Nevada colombienne.
Enfin, côté littoral, le sud des plages volcaniques du Cap d’Agde (Hérault) nous invite à visiter sa fausse-jumelle de Capri (Italie) ou la baia del Sancho (Brésil).
Les photographies créent l’illusion et occultent volontairement une donnée non négligeable : le tourisme de masse qui affecte le littoral de la Méditerranée ou certaines vallées et sommets Pyrénéens. C’est la limite de l’exercice, qu’y a-t-il hors-champ ? Un parking, une paillote ou des grappes de randonneurs ? Est-ce que l’on éprouvera les mêmes choses en ayant parcouru des milliers de kilomètres en avion, en bus et à pied pour grimper un sommet mythique et goûter à l’étrangeté linguistique d’une gargote, puis à son retour, compléter sa collection de pièces étrangères ?
Voici un beau livre qui tombe à pic puisque nos déplacements lointains sont fortement remis en question. La fermeture des aéroports mais aussi la prise de conscience des effets délétères du tourisme de masse sur les écosystèmes vont nous amener (peut-être) à revoir nos voyages et déplacements. Enfin, s’il faut révéler (ou pas) les beautés du monde pour mieux le protéger, je recommande vivement à nos élus locaux qui martèlent le mot « territoire » à tout bout de champ, à œuvrer pour ne pas défigurer ces lieux uniques et singuliers et ce, malgré leurs sosies.
Occitanie, miroir du monde, de Jean-Marc Sor, Editions Plumes de Carotte 2019
Occitanie, miroir du monde, de Jean-Marc Sor, Editions Plumes de Carotte 2019
Pourquoi partir au bout du monde lorsque la proximité nous offre un panel des plus beaux sites mondiaux ? « L’Occitanie, aussi étonnant que cela puisse paraître, contient la planète entière dans toute sa splendeur et sa variété » nous interpelle l’auteur.
Le principe est simple, tout comme les humains qui ont - paraît-il - des sosies à travers le monde, l’auteur a recherché les miroirs de nos sites occitans. Il compare deux photos représentant un lieu régional et une contrée lointaine. Une carte introductive en révèle son extrême diversité, déployée dans chaque département. Si les écosystèmes de montagne sont prédominants, l’altitude tout comme la latitude est un facteur de changement, près de 150 sites sont comparés : désert, toundra, forêt tropicale, grotte, cascades, canyon, volcan, plage ou lac mythique, rien n’est oublié.
Comment est-ce possible ? Du 42e au 45e parallèle, du sud de Perpignan au nord de Cahors, l’Occitanie chevauche le biome méditerranéen et les forêts tempérées caducifoliées. Ajoutez-y une façade maritime, des massifs à plus de 3000 m et une géologie extrêmement variée, c’est le jackpot.
Des exemples sont bluffants de ressemblances comme les tours jumelles de Peyrusse-le-Roc en forêt d’Audière (Aveyron) et le château de Gymes des Carpathes (Slovaquie). Pour contempler des prairies de linaigrette, plante arctique, vous avez le choix entre dans la vallée de Gaube (Hautes Pyrénées) ou le Groenland. Le mimétisme est parfois si parfait qu’il faut lire la légende des photos pour identifier le modèle ou sa copie. Ainsi, le lac de Bethmale (Ariège) à 1000 mètres d’altitude rivalise sans problème avec ses cousins canadiens. Parfois, la ressemblance n’affiche qu’un air de famille, comme le tépuis Kukenan (Vénézuela) et le pic de Montségur (Ariège). Il y a l’effet « bonsaï » lorsque la copie occitane miniaturise le modèle : le lac du Canet (Pyrénées Orientales) avec son arrière-plan enneigé du Canigou fait l’écho du lac Titicaca (massif des Andes) ou les concrétions de la grotte de Lombrives (Ariège) qui sont le miroir souterrain de la Monument Valley (USA).
L’ambiance tropicale de la Gourgue d’Asque (Ariège) ou du ruisseau du Rô (Tarn) nous emmène dans l’exubérance végétale des forêts du mont Apo aux Philippines ou de la Sierra Nevada colombienne.
Enfin, côté littoral, le sud des plages volcaniques du Cap d’Agde (Hérault) nous invite à visiter sa fausse-jumelle de Capri (Italie) ou la baia del Sancho (Brésil).
Les photographies créent l’illusion et occultent volontairement une donnée non négligeable : le tourisme de masse qui affecte le littoral de la Méditerranée ou certaines vallées et sommets Pyrénéens. C’est la limite de l’exercice, qu’y a-t-il hors-champ ? Un parking, une paillote ou des grappes de randonneurs ? Est-ce que l’on éprouvera les mêmes choses en ayant parcouru des milliers de kilomètres en avion, en bus et à pied pour grimper un sommet mythique et goûter à l’étrangeté linguistique d’une gargote, puis à son retour, compléter sa collection de pièces étrangères ?
Voici un beau livre qui tombe à pic puisque nos déplacements lointains sont fortement remis en question. La fermeture des aéroports mais aussi la prise de conscience des effets délétères du tourisme de masse sur les écosystèmes vont nous amener (peut-être) à revoir nos voyages et déplacements. Enfin, s’il faut révéler (ou pas) les beautés du monde pour mieux le protéger, je recommande vivement à nos élus locaux qui martèlent le mot « territoire » à tout bout de champ, à œuvrer pour ne pas défigurer ces lieux uniques et singuliers et ce, malgré leurs sosies.
Mieux connaître et faire connaître les prairies alluviales du bassin de l’étang de l'Or
Mieux connaître et faire connaître les prairies alluviales du bassin de l’étang de l'Or
L'objectif de cette première étude (2018-2019) était de connaître ces prairies alluviales en réalisant un état des lieux (biodiversité, usages, pression d'artificialisation et rôle dans l’expansion des crues) et, pour mieux les protéger, de trouver les leviers pouvant être mobilisés pour les conserver ou pour restaurer des continuités.
Des espaces méconnus aux multiples enjeux
Les prairies riveraines sont des formations végétales qui bordent les cours d’eau. Elles se développent sur des sols issus des alluvions déposées lors des crues.
Elles participent fortement à la gestion de l’eau, parce qu'elles constituent des zones tampons pour limiter le transfert des intrants agricoles vers les cours d’eau et des zones d’expansion et d’écrêtement des crues.
Les prairies naturelles alluviales abritent une riche biodiversité,
Elles sont par définition un espace de production d'herbe, pâturée ou fauchée, rendant leur gestion et leur préservation complexes. D’autre part, en contexte péri-urbain, elles constituent des secteurs sollicités par des aménagements urbains et industriels.
Ce sont les raisons pour lesquelles de nombreuses prairies sont en mauvais état de conservation ou menacées.
Malgré leur fragilité, leurs enjeux de biodiversité forts et leurs fonctions multiples, les prairies alluviales, en zone méditerranéenne, ont jusqu’alors fait l’objet de peu d’études ou d’actions spécifiques de conservation, en particulier en dehors des zones Natura 2000.
Le bassin de l’Or et le territoire d’étude
Le bassin versant de l’Etang de l’Or se situe dans la partie sud-est du département de l’Hérault. Couvrant une superficie d’environ 410 km², il présente une topographie peu prononcée.
Les marais et zones humides périphériques de l’étang de l’Or sont gérés dans le cadre d’un site Natura 2000 depuis 2007. En dehors du pourtour de l’étang, les espaces riverains ou alluviaux non dédiés à l’agriculture ou à l’urbanisation sont très réduits, le plus souvent limités à une petite ripisylve en bordure de cours d'eau. Ce sont ces espaces naturels, hors site Natura 2000, méconnus et menacés, que cette étude s’est efforcée de mieux connaître.
La caractérisation écologique des prairies étudiées
45 relevés floristiques complets ont permis de préciser certaines de ces formations végétales , notamment celles à plus fort enjeu de biodiversité, dites patrimoniales. Même si certaines de ces végétations (ou habitats naturels) sont bien appréhendées et décrites de longue date, de plus nombreuses restent peu ou mal décrites en contexte méditerranéen français. Pourtant, de nombreuses végétations étudiées présentent un grand intérêt en raison de leur originalité biogéographique et écologique et/ou de la rareté des espèces qu’elles abritent.
Le relevé et l’interprétation de 27 carottes de sol ont révélé une majorité de sols argileux peu évolués, développés sur des alluvions récentes.
Les contextes hydro-géomorphologiques dans lesquels on rencontre les dernières prairies naturelles riveraines sont très divers et difficiles à appréhender. La durée de saturation en eau des sols et l'intensité de l'activité agricole ou pastorale sont les 2 facteurs majeurs de structuration de ces habitats.
L’inventaire des milieux prairiaux riverains
La cartographie des habitats naturels riverains des cours d'eau a été réalisée sur plus de 2 000 hectares, Sur cet ensemble, les prairies naturelles représentent seulement 8% (157 ha) et les prairies humides moins de 2 % (35 ha).
Au total, 16 habitats prairiaux ont été considérés, plus un représentatif d’une friche.
Les habitats les plus patrimoniaux sont les gazons amphibies, très rares et ponctuels, et les prairies de fauche.
Les prospections de terrain et les données bibliographiques collectées permettent d’identifier 33 espèces végétales patrimoniales, 7 espèces remarquables d'insectes et 38 espèces de vertébrés patrimoniaux. Ces milieux jouent également un rôle important dans le maintien d’espaces vitaux et de corridors favorables à plusieurs espèces plus ou moins spécialisées, telle la Diane (un papillon), le Campagnol amphibie ou le Crapaud calamite. Sur ce volet, les lacunes de connaissance restent néanmoins nombreuses à combler : quelles sont les communautés d’Orthoptères associés ? Les chauve-souris patrimoniales viennent-elles y chasser ? La présence de prairies favorise-t-elle la présence de libellules remarquables dans les cours d’eau ?
L’état de conservation des prairies naturelles apparaît globalement défavorable (pour 68% des parcelles évaluées, représentant 95 ha), en raison du développement des arbres ou d’un pâturage excessif.
La majorité des prairies naturelles prospectées sont pâturées (majoritairement par des chevaux). Les pratiques de fauche restent limitées (13%). La majorité des prairies naturelles patrimoniales (enjeu fort à très fort) sont non déclarées à la PAC. La plupart sont de propriété privée, mais quelques-uns des sites patrimoniaux sont en partie sur une propriété publique (commune, établissements publics, syndicats mixtes…).
En considérant l’ensemble des composantes écologiques, huit sites montrent un intérêt patrimonial élevé, et, parmi eux, quatre sites présentent même des enjeux de conservation très forts :
le Bois de la Mourre, à Mauguio, et son cortège floristique,
- le vallon du Bérange, continuité de prairies bocagères sur près de 2 km, entre Sussargues et Saint Geniès des Mourgues,
- les sources de la Viredonne, à Restinclières, un petit site original abritant une station majeure d’une plante très patrimoniale, mais menacée par un contexte périurbain (route, cultures, périphérie de village),
- le Christoulet, petite zone humide pâturée présentant une flore spécialisée exceptionnellement riche.
L’identification de la trame prairiale turquoise
La trame turquoise est définie comme l’espace nécessaire à la bonne expression de la biodiversité aquatique et humide. Elle peut être considérée comme la zone d’interaction entre la trame verte des écosystèmes terrestres, et la trame bleue des écosystèmes aquatiques.
Les 21 espèces identifiées pour établir ces trames peuvent être regroupées en 6 modèles biologiques. La trame turquoise associée à trois de ces modèles a pu être modélisée.
Des compléments d’inventaire sont nécessaires pour mieux comprendre la trame à préserver. Néanmoins, les premières conclusions suivantes peuvent être retenues :
- les communautés liées aux prairies humides sont à rechercher en priorité en périphérie de l’étang de l’Or (ex : certains orthoptères) ;
- des prospections chauves-souris, notamment le long du cours supérieur du Bérange, seraient judicieuses, pour rechercher des espèces à fort enjeu de conservation,
- certains cours d’eau (Bérange, Dardaillon) montrent des continuités intéressantes, séparées par des lacunes qui seront d’autant plus difficiles à combler que des usages agricoles y sont bien établis,
- plusieurs sites dégradés montrent néanmoins un contexte favorable à des opérations de restauration.
Les dynamiques en cours : opportunités et menaces
La consultation des documents de planification disponibles révèlent très peu de menaces vis-à-vis des prairies naturelles identifiées.
L’étude hydraulique réalisée par Egis Eau entre 2015 et 2017, préalable à la définition du Programme d’Actions de Prévention des Inondations (PAPI), liste plusieurs modalités d’intervention au niveau des espaces riverains étudiés. Une vigilance est alors nécessaire pour limiter d’éventuelles dégradations des milieux naturels. Plus intéressantes, certaines interventions peuvent avoir un effet convergent sur la restauration de la trame turquoise. De telles convergences ont été soulignées, notamment au niveau du Bérange.
Les leviers de protection et d’amélioration
Différentes mesures sont proposées pour répondre aux deux principaux objectifs qui ressortent de ce diagnostic :
1 - préserver les prairies patrimoniales,
2 - renforcer la trame turquoise.
Deux dispositifs nouveaux pourraient notamment être mobilisés :
- les Obligations Réelles Environnementales (ORE)
- les Paiements pour Services Environnementaux (PSE).
L’application de ces mesures reste à adapter à chaque site.
Pour la restauration de sites dégradés, retenons notamment le retrait de digues. De telles approches permettent en général d’obtenir des effets convergents sur la lutte contre les inondations et l’érosion des lits mineurs, l’amélioration de la géomorphologie du cours d’eau et la restauration des milieux naturels.
Affaire à suivre :
Cette étude démarrée en 2018 s’est terminée fin 2019. Une nouvelle étude prend la suite sur 2020-2022. Elle vise à :
répondre aux questions en suspens sur le rôle des prairies dans le réseau écologique,
enquêter et dialoguer avec les éleveurs,
protéger les sites les plus patrimoniaux,
envisager la restauration ou la renaturation de sites.
Des nouvelles des animations après le confinement
Des nouvelles des animations après le confinement
Suite au déconfinement l’équipe d’animation a pu reprendre (un tout petit peu) des actions avec le public.
Nous avons commencé avec le club CPN, il s’agit des activités ayant lieu durant l’année scolaire le mercredi sur le domaine de Restinclières.
Après avoir construit un protocole sanitaire nous avons repris l'accueil des enfants depuis le 21 Mai. Les conditions sont particulières mais les jeunes les appliquent plutôt bien. Pour expliciter les consignes nous avons pu aborder certains sujets que nous n'aurions jamais pensé devoir traiter comme par exemple les membranes lipidiques...
Les jeunes (8 en moyenne par séance sur 11 inscrits pour l’année) sont contents de se retrouver, de retrouver les animateurs et pour certains d'être dehors. Nous avons néanmoins remarqué une différence avec la dynamique pré-confinement. Les jeunes prennent moins d'initiative dehors, ils sont un peu plus passifs et suiveurs. Nous (les animateurs) essayons d'être moteurs mais cela change la progression sur le chemin de l'autonomie que nous essayons de construire avec eux.
Nous avons aussi des petites difficultés à gérer les émotions (chagrin, colère) avec des masques. Il nous semble que les masques rajoutent une distance, celle ci est gérable dans les temps d'activités mais beaucoup plus problématique lorsque l'on essaie de réconforter, consoler ou calmer un enfant.
Au niveau des activités nous avons fait plusieurs découvertes :
- Observation de "nouveaux" fossiles au niveau de la dalle de Restinclières
- Randonnée aquatique dans le Lirou (la meilleure séance selon les jeunes)
- Identification de différents insectes
- Réalisation d'un semi-inventaire de la présence de scorpions au niveau de la dalle aux scorpions (on en a compté 19 mercredi 3 Juin)
- Une mue de couleuvre de Montpellier (environ 30 cm), identifiée avec l'aide de Justine Bertrand.
Pour les animations scolaires, nous avons eu la chance de bénéficier de la confiance et de l’engagement de professeures de sport du collège François Villon de Saint-Gély-du-Fesc. Les élèves (10) ont utilisé leurs vélos (lien avec le sport) pour nous rejoindre dans la garrigue afin de découvrir les invertébrés. Les animateurs présents (Maelys, Alexandre et Mathias) ont vraiment apprécié de pouvoir offrir une opportunité aux élèves et aux enseignants de vivre une activité dehors. Les élèves comme les enseignants ont témoigné leur intérêt pour cette démarche.
Nous nous impliquons fortement pour convaincre les enseignants de mettre en place des sorties en extérieur d’ici la fin de l’année scolaire mais nous nous heurtons à différentes barrières (craintes des enseignants ou alors décision de l’inspection).
Comptez sur nous pour continuer à militer pour permettre aux enfants de vivre le dehors. Mais aussi d’être en lien avec des animateurs enthousiastes qui bien que masqués leur donnent confiance en eux-mêmes, confiance en la vie et confiance en l’avenir.
Mathias Laroche pour l’équipe d’animation
Thibaut Suisse, botaniste et responsable de la formation du pôle médiation en écologie scientifique
Thibaut Suisse, botaniste et responsable de la formation du pôle médiation en écologie scientifique
Un parcours de formation riche, en prise avec le terrain
Peux-tu nous préciser en quelques lignes, ton origine géographique et ton parcours ?
Mes parents sont du nord, Baie de Somme, et de Bretagne. Mais j’ai grandi près de Nîmes à Clarensac, en pleine garrigue ! Mes « nourrices », nombreuses, m’ont formé à la connaissance de la garrigue avec les poireaux, les asperges sauvages… J’ai passé beaucoup de temps dans mon enfance, sur le terrain, à observer, à contempler la vie de la nature, plantes, insectes, têtards. Vers 8 ans le premier ouvrage des salades sauvages des EE est paru et mes parents l’ont acheté. Nous avons commencé à ramasser des salades sauvages : Saint-Joseph, que nous appelions salade à l’ail, pimprenelle, roquette jaune, chicorée à la bûche, doucette, barbabouc, herbe rousse, pissenlit bien sûr ! Par la suite au collège, j’aimais consulter, à la bibliothèque, les ouvrages sur les plantes et comparer avec mes découvertes, notamment les orchidées.
Après le collège et un an en lycée technique, j’ai opté pour un lycée agricole, en Lozère, en section D’ qui comprenait de l’écologie qui m’a passionné immédiatement. Sur les conseils des professeurs, j’ai choisi de suivre un BTS Gestion et Protection de la Nature à Aubenas. Pendant 2 ans l’apprentissage de l’écologie s’est fait sur le terrain, accompagné par d’excellents professeurs sur l’écologie scientifique. Ce furent deux très bonnes années. Cela m’a poussé à continuer mes études à la faculté de Montpellier, pour approfondir mes connaissances, plutôt que de devenir conseiller agricole.
Mes études ont porté sur la Biologie des populations et des organismes. Ce que j’ai surtout acquis, c’est une formation à la lecture scientifique, une compréhension, une ouverture intellectuelle.
Après la maîtrise et fort de ces connaissances, je suis parti en Angleterre avec English Nature (aujourd’hui Natural England), gestionnaire de parcs nationaux. J’ai pu observer comment les espaces protégés peuvent servir à la communauté locale environnante. Belle expérience !
Mon premier emploi comme animateur a été le Renard, Rassemblement pour l’Étude de la Nature et l’Aménagement de Roissy et de son District. Cette association avait été fondée pour protéger les espaces agricoles et naturels de l’urbanisation, avec la croissance de Paris, et était très engagée dans tous les domaines naturalistes et en particulier le droit de l’environnement. Mes activités étaient l’animation de sorties, de clubs nature, animation scolaire, contre-expertises et suivis scientifiques de réserves naturelles. J’ai pu bénéficier pendant cette période d’une formation naturaliste très large, ainsi que sur le volet de la réglementation, textes de loi etc.
En 2008, j’ai rejoint les écolos !
La botanique avant tout !
Très tôt, tu as été, semble-t-il, intéressé par la botanique ?
Les plantes me « parlent » plus que le reste, même si j’ai voulu faire d’autres activités comme l’archéologie et la spéléologie, ou la géologie. Le recrutement aux écolos a été sur un profil de botaniste.
Pourquoi ce choix des EE ?
Depuis un an je voulais revenir dans le sud et j’ai candidaté sur Tela Botanica : Daniel Mathieu, Danielle Cornillon, Joël Mathez composaient le jury, mais je n’ai pas été retenu. Or j’étais en contact avec Benoît Garonne, je fréquentais les EE les mardis soir et aidais comme bénévole au secteur études ; JP Vigouroux, salarié aux RH m’a contacté puis m’a proposé de venir au sein des EE.
Aux EE en quoi consistent tes activités depuis 12 ans ?
D’abord botaniste aux études, ensuite en 2009 je suis également devenu formateur, fonction que j’avais occupée dans ma précédente activité.
Par ailleurs, j’ai été élu, à mon insu, délégué du personnel pendant 4 ans. Le devenir de l’association, avec la perspective du départ de Jean Paul, avait créé de l’inquiétude dans l’équipe; cela m'a demandé pas mal d'énergie et d'apprentissage de la diplomatie. C'est par la suite que j’ai intégré l’équipe de direction sur la question des RH.
Désormais je suis botaniste, animateur, formateur et en équipe de direction. Je fais aussi un peu d’interprétation du patrimoine.
Et les MOOC de Tela Botanica ?
Les EE et TB sont très proches et, régulièrement, des salariés des EE sont soit au Conseil d’Administration soit au Conseil Scientifique et Technique de TB. À ce titre je siège au CA et comme je fais de la formation, j’ai été sollicité pour la création du MOOC botanique, qui à l’époque était très nouveau. De plus toutes les vidéos ont été tournées à Restinclières, avec l’installation technique nécessaire, et en compagnie de botanistes de très haut niveau.
Ce fut une belle aventure. La bonne répartition des séquences entre les botanistes, m’a permis de m’occuper de celle intitulée « Observer et comprendre ce qu’on observe » avec une participation active de recherche des plantes, actrices principales de la séquence !
Vive les Écologistes de l’Euzière !
Quel est ton retour sur les EE ? As-tu constaté une évolution ?
Le fonctionnement des EE est remarquable car salariés et adhérents bénévoles sont associés. Par contre, la dynamique des mardis soir est différente : avant, les participants de ces soirées animaient les conférences, aujourd’hui, des intervenants viennent de l’extérieur et s’adressent à un public plus large dans un autre esprit.
Le public a changé et tout le monde parle d’écologie. Mais on est passé à l’environnement, au développement durable dans les discours, ce qui est différent de l’écologie scientifique défendue et pratiquée par les EE. Pour comprendre l’homme il faut comprendre la nature, il faut que l’homme vive bien avec elle et qu’il s’en émerveille. La connaissance permet de prendre conscience et de passer aux actes. L’écologie scientifique reste une marque reconnue des EE.
Comment te projettes-tu dans un proche avenir ?
Je ne me sens pas du tout lassé par tous les projets auxquels je participe et je souhaite encore continuer à m’investir au sein des EE. Mon poste est d’une grande richesse, parfois fatigant ! Beaucoup d’autres choses me passionnent (comme la cuisine des plantes que je garde comme loisir !) et je reste ouvert pour d’autres défis dans l’avenir.
Propos recueillis par Line Hermet et Hugues Ferrand
Si vous souhaitez lire d'autres articles de ce numéro des "Echos des écolos", vous pouvez télécharger le numéro entier à cette page.
Un index pour les Lettres...
Un index pour les Lettres...
J’aime beaucoup le lierre, c’est une plante exceptionnelle, je peux en parler pendant des heures, que ce soit sur le terrain, comme pour la sortie « Montpellier Main Verte » que j’ai animée cet automne, ou pour un Mardi soir comme celui que j’ai proposé fin janvier. L’ouvrage de référence sur cette liane très attachante est bien sûr « La Hulotte », le journal le plus lu dans les terriers, et ses deux numéros 106 et 107, parus en 2017 et 2018, qui m’ont été très utiles pour préparer ces deux interventions.
La Hulotte, dans sa grande générosité, propose, à qui veut, de télécharger sur son site une bibliographie complète des ouvrages qui ont servi à son génial auteur et dessinateur, Pierre Déom, pour préparer ses numéros. Pierre Déom est un auteur sérieux (et on peut être sérieux en ayant beaucoup d’humour !) et les ouvrages et les auteurs qu’il consulte sont des références sur leur sujet. Donc je consulte cette biblio et mon œil s’arrête sur la ligne suivante :
GARRONE (B.) – La plante du mois : le Lierre, un arbre à l’envers. (Écologistes de l’Euzière)
Une petite recherche sur notre site (je vous rappelle que toutes les « Lettres », depuis le numéro 63, et maintenant les « échos » sont en ligne sur notre site) et je (re)découvre que dans le numéro 71 de mars 2008, à la page 10, la plante du mois est le lierre. L’excellent article article est signé par Benoît Garrone (le fondateur de notre association, pour ceux qui ne le connaissent pas). Au delà de la fierté (pour les écolos et pour Benoît) d’être cités dans la Hulotte, cette découverte m’interpelle d’abord sur ma pauvre mémoire mais aussi sur le besoin urgent de ne pas oublier ce patrimoine de notre association.
Aussi, je lance un appel : qui aurait un peu de temps à consacrer à l’établissement d’un index des articles publiés dans la Lettre depuis que les numéros sont en ligne et accessibles ?
Allez faire un tour sur la page du site où les numéros sont disponibles (depuis le numéro 63 de mai 2005) il y a des trésors aussi bien dans la qualité des articles que dans la fraîcheur des témoignages des activités par les permanents et les bénévoles de l’association.
Par la suite, il faudra aller plus loin, quelques-uns d’entre nous ont des collections presque complètes des « Lettres » depuis les débuts. Cela permettrait de retrouver les jalons de l’histoire de notre association mais aussi de percevoir l’écho de ce grand mouvement d’idées et d’actions autour de l’écologie et de la prise en compte de l’environnement dans les mentalités et les politiques publiques. Un chantier que nous souhaitons lancer dès maintenant dans la perspective des 50 ans de l’association en 2024…
Petite histoire d'agents infectieux qui ont changé la vie des humains
Petite histoire d'agents infectieux qui ont changé la vie des humains
Et si l’histoire recommençait ?
Quand on parle « Homme et Nature », on pense aux menaces qui pèsent sur la biodiversité, aux services écosystémiques, à la protection des plantes et animaux... mais qui aurait pensé qu'un invisible contraindrait en quelques semaines plus de trois milliards de personnes à rester confinées ? Et oui car c'est une toute petite entité 100 nanomètres qui est en train de décider des cours de la bourse, du prix du baril du pétrole, de bloquer les déplacements et les échanges internationaux etc. Une situation inédite, direz-vous ? Pas tant que ça parce que ce n'est pas la première fois que des pathogènes modifient le cours de l'histoire. Si la conquête de l'Amérique par les européens a été rapide, ce n'est pas parce que les conquistadors étaient de valeureux guerriers, mais plutôt parce qu'ils ont apporté avec eux toutes les maladies auxquelles les populations européennes étaient confrontées depuis quelques millénaires et qui ont décimé les indiens pour qui elles étaient nouvelles.
L’émigration irlandaise
Et si, au 19ème siècle, les irlandais ont émigré en masse, c'est aussi à cause d'un agent infectieux. C'est en effet un champignon microscopique, le mildiou qui a causé une famine sans précédent en décimant les cultures de pommes de terre. En quelques années, sur les 8,5 millions d'habitants que comptait l'Irlande, un million de personnes sont mortes et un million et demi ont émigré, principalement vers l'Amérique du Nord. Bien évidemment, le mildiou, avec ses petites spores, n'est pas le seul responsable de cette catastrophe humaine, que certains qualifient de génocide, et pour laquelle, un siècle et demi plus tard, le Premier Ministre Tony Blair a présenté des excuses publiques. Des conditions météorologiques estivales déplorables (pluie et vent), pendant quatre années consécutives, ont en effet permis la prolifération et la dispersion du champignon. Sa tâche a été considérablement facilitée par le fait que l'essentiel des plants de pomme de terre appartenait à une seule variété, l'Irish Lumper, adaptée à des terrains pauvres et humides et réputée pour ses excellents rendements, mais particulièrement sensible au mildiou ! Mais ce n'est pas tout. Cette pénurie alimentaire est arrivée sur fond d'énormes inégalités sociales, avec de riches propriétaires terriens qui avaient accès à une alimentation diversifiée et ont continué à exporter de la nourriture hors d'Irlande, tandis que les paysans pauvres étaient entièrement dépendants de la pomme de terre, facile à cultiver et peu exigeante en place. Les conditions météorologiques clémentes qui ont régné au début du 19ème siècle ont permis de satisfaire aux besoins de la population, dont l'effectif a d'ailleurs presque doublé en quarante ans. Quand la famine apparaît, elle affaiblit rapidement les organismes, qui sont alors décimés par des maladies telles que la tuberculose, le typhus, le choléra ou la diphtérie (pour ne citer qu'elles), qui sont aussi favorisées par la promiscuité et le manque d'hygiène ou d'accès à l'eau potable. Et comme la seule issue possible est de fuir vers des contrées plus prometteuses, ces maladies se répandent alors sur les bateaux chargés d'émigrants et déclenchent des épidémies aux Etats Unis et au Québec. Les systèmes de soins et d'aide sont rapidement débordés et la cause de la pénurie en pomme de terre n'est pas immédiatement identifiée, de sorte que les mesures tardent à être mises en place.
Les acteurs changent, mais les mécanismes biologiques se ressemblent
Un bio-agresseur + des conditions environnementales, une démographie galopante, des populations à risque, un manque de connaissances et une réaction tardive... ça ne vous rappelle rien ? Si dans l'exemple ci-dessus le fauteur de troubles s'attaque à une plante alimentaire, dans la plupart des catastrophes sanitaires, le responsable est un agent pathogène (= qui cause la maladie) infectant les humains. Virus, bactérie, eucaryote uni- ou pluricellulaire... peu importe son pedigree, c’est un parasite (= organisme qui en exploite un autre, l'hôte, et lui cause des dommages). Mais si le coupable sait très bien exploiter et se transmettre d'un hôte à l'autre, il ne suffit pas, à lui seul, à déclencher une épidémie de grande ampleur. C'est en effet la conjonction de facteurs : biologiques (la compatibilité entre le parasite et ses hôtes), environnementaux (les conditions dans lesquelles le binôme hôte parasite vit et évolue), évolutifs (la diversité des parasites et des hôtes et leur capacité à répondre aux pressions de sélection) et socio-économiques qui permet l'émergence de nouvelles maladies, leur maintien et leur expansion.
Et on peut remonter le fil historique des grandes épidémies
L'humanité n'en est pas à sa première expérience en la matière : l'histoire des populations humaines est en effet jalonnée de grandes transitions épidémiologiques, qui correspondent toutes à des bouleversements profonds dans le fonctionnement des sociétés et dans leurs interactions avec l'environnement. La première a eu lieu au Néolithique, il y a quelques milliers d'années. Passant d'un mode de vie nomade-cueilleur-chasseur à un mode sédentaire-cultivateur-éleveur, les humains voient leur densité augmenter, sont plus facilement en contact avec les déchets et déjections, en promiscuité avec les animaux nouvellement domestiqués et avec la faune commensale qui vient se repaître des restes et des stocks de nourriture. C'est alors qu'émergent, dans des populations affaiblies par la malnutrition, des maladies telle que la variole, la diphtérie, la rougeole etc. Il s'agit de zoonoses, comme dans l'immense majorité des émergences, c'est à dire de maladies d’animaux, dont l'agent infectieux se transfère à l'humain et acquiert la capacité à circuler dans les populations humaines. La deuxième transition, dite intracontinentale début environ mille ans avant notre ère et se prolonge pendant tout le Moyen âge. Elle coïncide avec le développement du commerce et des guerres en Eurasie et plus particulièrement autour du bassin méditerranéen. Ainsi, des pathogènes, précédemment acquis se répandent dans les populations ; parallèlement, des vecteurs (qui transmettent) ou des réservoirs (chez qui la maladie circule en dehors des populations humaines) sont introduits, permettant aussi la propagation des maladies. Un des meilleurs exemples est sans doute celui de la peste, transportée par bateaux en même temps que les rats porteurs du bacille et les puces vectrices. L'épidémie dite « peste de Justinien », qui a duré entre 540 et 760, a probablement décimé 25% de la population méditerranéenne. La troisième transition est inter-continentale. Elle débute en l'an 1492, avec l'arrivée des européens en Amérique du Sud, qui y importent tout un cortège de maladies (diphtérie, variole, rougeole etc) acquises au Néolithique. Les populations européennes ont coévolué avec ces pathogènes durant quelques millénaires, tandis que les populations amérindiennes présentaient un système immunitaire totalement naïf vis à vis de ces pathologies. Ces maladies importées ont décimé 90% des amérindiens. La quatrième transition est celle de l'ère industrielle, à partir du milieu du 19°siècle. Elle correspond au développement des villes, avec de fortes densités de populations, dans un contexte d'insalubrité. On voit donc ressurgir des maladies infectieuses telles que le choléra ou la tuberculose. L'amélioration des conditions d'hygiène et le développement des moyens prophylactiques permettent, au 20ème siècle, un recul de ces maladies transmissibles, tandis que les pathologies chroniques amorcent leur essor. On pense donc que le pire en matière d'agents infectieux est derrière nous, mais hélas ! La pandémie de Sida qui a débuté au 20°siècle a fait comprendre que la partie est loin d'être gagnée. SARS, grippe aviaire, Ebola et maintenant Covid-19, nous voici en pleine cinquième transition épidémiologique, largement favorisée par l'expansion démographique, la mondialisation des échanges, l'agriculture intensive, l'élevage industriel et les bouleversements majeurs que nous faisons subir aux écosystèmes ! La pandémie actuelle n'est probablement pas la dernière. Il serait peut être donc grand temps d'apprendre les leçons épidémiologiques du passé pour mieux prévoir et anticiper notre futur sanitaire. Mettre en oeuvre tous les systèmes de protection et de soins une fois l'épidémie en place et essayer d'en prévoir l'issue, c'est évidemment indispensable, mais largement insuffisant si on ne veut pas se laisser surprendre et dépasser par les pathogènes. Le meilleur système de soin est celui qui évite de tomber malade ! Pour anticiper, il faut comprendre ; comprendre où sont les agents infectieux en puissance, où et comment ils circulent, quels sont les facteurs environnementaux (naturels ou anthropiques) susceptibles de favoriser leur transfert aux hôtes humains, quelle est leur probabilité de transmission, quel est leur risque de devenir plus virulents ... autant de questions qui relèvent de l'écologie ! Et oui, l'écologie ce n'est pas que l'étude des plantes et des animaux ; la compréhension de la répartition, la diversité et l'évolution des agents infectieux est aussi au centre des questions en écologie.
Jusqu’au SARS-Cov2...
Alors justement, que sait-on du fameux SARS-Cov2, agent de la désormais célèbre maladie Covid-19, qui justifie les mesures actuelles ? Comment se fait-il qu'un minuscule virus nous contraigne à rester chez nous et à respecter scrupuleusement les gestes barrières ? Le R0, ou taux de reproduction de base d'une infection est le nombre d'individus sains qu'un individu atteint peut contaminer. Dans le cas de la Covid-19, il est estimé entre deux et trois. Chaque personne porteuse du virus, qu'elle exprime des symptômes ou non, contamine donc en moyenne deux à trois nouvelles personnes, qui à nouveau en contaminent deux ou trois, et ainsi de suite. On comprend donc pourquoi le nombre de cas augmente de façon exponentielle et pourquoi les hôpitaux sont débordés ! Après l'infection, vient la guérison ; les personnes qui ont été infectées, avec ou sans symptômes, et s'en sont sorties, gardent une mémoire immunitaire et ne peuvent plus (au moins pour le moment) être contaminées. Lorsque le nombre de ces « guéris » (qui, pour les asymptomatiques, pourraient être identifiés si on disposait de tests sérologiques en quantité suffisante), est suffisamment important, il n'y a plus assez d'hôtes susceptibles pour entretenir l'épidémie : le R0 passe en dessous de 1 et l'épidémie s'éteint. L'enjeu est donc de ralentir la propagation de la maladie pour franchir le pic épidémique puis voir redescendre le R0 tout en arrivant à gérer les cas graves. Les particules virales quittent leur hôte par les sécrétions, et aussi par les selles. La « porte d'entrée » du virus dans l'organisme, ce sont les muqueuses de la bouche et du nez ; la contamination se fait donc directement en ingérant ou en reniflant des gouttelettes émises en toussant ou en éternuant, mais aussi en portant à son visage des mains ou des objets contaminés, ou en embrassant une personne porteuse. Donc pas de bisous, on se salue de loin, on éternue ou on tousse dans son bras et surtout, très régulièrement, on se lave les mains et on nettoie les toilettes et toutes les surfaces ou objets qui sont touchés par les uns et les autres (poignées de portes, interrupteurs, plans de travail etc). L'enveloppe du virus étant lipidique, le savon est parfait pour éliminer le coronavirus ! Et comme nous sommes le véhicule de nos virus, on évite de se déplacer pour ne pas les colporter autour de nous. Donc, on reste tranquillement chez soi, on en profite pour relire les livres des Écolos ou les Échos qu'on n'avait pas eu le temps d'approfondir, pour classer toutes les photos naturalistes qu'on a accumulées depuis des années, pour tester les bricolages proposés par Kellie sur le site euziere.org : (http://www.euziere.org/?TutoNature) , pour mettre la tête à la fenêtre et écouter chanter les oiseaux qu'on entend beaucoup mieux sans les bruits de la circulation... et aussi, on se repose, on téléphone à ses proches pour prendre de leurs nouvelles et leur dire qu'on les aime... Bref, on fait ce qui nous plaît, mais on ne bouge pas de chez soi !
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Écouter et lire Philippe Descola
Écouter et lire Philippe Descola
Philippe Descola est anthropologue, professeur au Collège de France. C’est aussi un homme de terrain qui nous interpelle sur notre rapport au monde.
Dans cette interview qu’il a donnée, il y a un peu plus de 2 mois, au quotidien en ligne Reporterre, il n’y va pas par quatre chemins : “La nature, ça n’existe pas”. Cette phrase provocante (en particulier pour nous autres naturalistes), pour nous faire comprendre que la “nature”, fille de la pensée des philosophes grecs et des religions monothéistes, est réduite, dans la pensée occidentale à une abstraction, un domaine à explorer mais aussi un système de ressources à exploiter. Le mot “nature” est d’ailleurs quasi-introuvable ailleurs que dans les langues européennes. Descola nous invite donc à considérer autrement les “non-humains” et propose une approche nouvelle des continuités et discontinuités entre l’humain et son environnement.
Cette interview m’a donné envie d’en savoir plus et je commence à lire avec enthousiasme son ouvrage majeur “Par-delà nature et culture” (paru en Folio) qui date de 2005 mais qui reste complètement d’actualité.
L’interview à lire et à écouter sur Reporterre : https://reporterre.net/Philippe-Descola-La-nature-ca-n-existe-pas
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Couleur printemps
Couleur printemps
Quelques giboulées
Une trouée d’azur
Les nuages s’effilochent
En gouttes de lumière
Au fond du ciel
Un vol d’hirondelles
Les jardins les prés les chemins
Se teintent d’émeraude
Ourlés de-ci de-là
D’éclats d’or ou d’améthyste
Corolles offertes au souffle du vent
L’air frémit de bourdonnements
De bruissements d’ailes
De nectar et de rosée
Il monte de la terre
Un parfum oublié
Léger
Léger
Comme un matin
de
Printemps
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Si vous consommez des plantes sauvages alors prenez de la graine
Si vous consommez des plantes sauvages alors prenez de la graine
En ce début du XXIe siècle, on ne peut plus consommer des « plantes alimentaires sauvages », comme au siècle précédent. Car toute cueillette est une prédation qui a un impact négatif sur la préservation de la biodiversité végétale. Cet impact est limité, car le nombre de ramasseurs l’est. Mais ces dernières années il n’a cessé d’augmenter. De plus, certaines espèces ont des répartitions très inégales et l’on ignore quels seront les effets du réchauffement climatique sur leurs populations. La prudence s’impose.
Une cueillette responsable est possible, en appliquant par exemple, les préconisations énoncées dans le chapitre : La nature est notre bien commun, gérons-la avec soin, du livre Les Salades sauvages des Écologistes de l’Euzière.
Mais il est possible d’aller plus loin et d’avoir un impact positif sur les populations cueillies en pratiquant une anthropochorie volontaire (anthropos : homme, chorein : déplacer). Des graines de plantes sauvages, nous en disséminons déjà, mais à notre insu et pour des quantités infimes. Il s’agirait simplement de le faire intentionnellement sur des volumes plus importants et pour des plantes choisies.
Anthropochorie volontaire :
Il suffit, à partir du mois de juin jusqu’au mois d’octobre, lors de ses balades, d’emporter des sacs en papier pour recueillir des graines.
Et si certaines tombent au sol, aucune importance, vous aurez contribué à sa dissémination sur le lieu-même où elle poussait.
Puis, dans un endroit choisi, les semer.
Pour cela ; désherber au mieux ; griffer superficiellement le sol (un ou deux millimètres) dans tous les sens ; déposer les graines dans les mini sillons obtenus ; frotter la surface du sol avec la main pour les enfouir à proximité immédiate de la surface afin de reproduire les conditions de dissémination spontanée. Et lors de votre prochaine cueillette vous saurez où chercher.
S’intéresser aux plantes consommées en dehors du moment de leur récolte, en particulier quand elles sont en fleurs puis en fruits, permet de découvrir de nouveaux lieux de cueillette et d’éprouver un intérêt nouveau pour elles et leurs conditions de vie.
Prenez, par exemple, la laitue St-Joseph. Elle ressemble à une « romaine » mais en plus petit, avec des feuilles en moins et une dentelure, située sur le dos de la nervure centrale, en plus. Vous pourrez observer que la tige qui a poussé à la fin de la saison où on la cueille, s’orne de feuilles plus coriaces et dentées. Et lorsque le soleil devient plus chaud, ses feuilles pivotent pour devenir verticales et, si aucun obstacle ne leur fait de l’ombre, dans une direction préférentielle nord-sud. Puis de minuscules fleurs jaunes apparaissent, se fanent et donnent naissance à des aigrettes blanches que vous récolterez en début de matinée, avant qu’elles ne s’envolent au moindre souffle d’air. À la base de ces aigrettes se trouve l’akène que vous pourrez récolter pour le semer.
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Les oiseaux migrateurs - les champions de l'orientation
Les oiseaux migrateurs - les champions de l'orientation
Migration des oiseaux
Jusqu'au XIXe siècle, l'homme s'interrogeait sur l'apparition de certaines espèces d'oiseaux au printemps et sur leur disparition en automne. De multiples idées fantaisistes tentaient d'expliquer cette réalité.Par exemple, on croyait que certains oiseaux migraient vers la Lune ou encore que d'autres changeaient d'espèces pour passer l'hiver. Au XVIIIe siècle, Cuvier et Linné pensaient que les hirondelles hivernaient sous la glace ou s'enterraient dans la vase. Ce sont les naturalistes de ce même siècle qui émirent l'idée de déplacement entre les lieux de reproduction et ceux d'hivernage. On a vite compris alors que ces migrations étaient liées aux ressources alimentaires pour de nombreuses espèces. C'est donc une question de survie qui concerne surtout certains insectivores mais aussi d'autres oiseaux ayant un régime alimentaire spécialisé tels le circaète Jean-le-Blanc mangeur de serpents, le guêpier consommateur d'hyménoptères…
C'est ainsi que des quantités phénoménales d'espèces font le voyage des lointaines contrées africaines à l'Europe et inversement, en traversant mers et déserts. Elles subissent à ces occasions de lourdes pertes, en particulier chez les jeunes de l'année.
Outre les phénomènes physiologiques internes, c'est surtout le photopériodisme qui détermine le départ des oiseaux. Celui-ci est anticipé avant même l'épuisement de leur source d'alimentation. Il existe deux types de migrateurs.
Migrateurs au long cours
Ceux-là arrivent chez nous de mars à juin et repartent entre juillet et octobre, selon les espèces comme le Rossignol philomèle, la Bondrée apivore ou le Martinet noir. Lors de ces vols, qui le plus souvent s'effectuent de nuit, ils peuvent parcourir des centaines de kilomètres, dont une étape exceptionnelle de près de deux milles kilomètres, la traversée du Sahara. Ils se nourrissent généralement en cours de route en se posant durant la journée.
Migrateurs partiels
Il s'agit des espèces qui se reproduisent dans le nord et l'est de l'Europe et qui rejoignent par paliers pour certains le sud de l'Europe et pour d'autres les pays côtiers du sud de la Méditerranée, entre Maroc et Libye. Notons par exemple la Bernache cravant, la Sarcelle d'hiver, la Foulque macroule... Toutefois, on constate de plus en plus de modifications des flux migratoires en rapport avec le réchauffement climatique.
Comment se dirigent-ils ?
On sait qu'ils suivent des trajets précis et qu'ils sont sensibles aux rayons ultraviolets, aux modifications de la pression atmosphérique, aux infrasons et au plan de polarisation de la lumière. Ils disposent de ce qu'il est possible d'appeler une "horloge interne". Ils se dirigent à l'aide de trois types de "compas" : le soleil pour les migrateurs diurnes, les étoiles et la lune pour les migrateurs nocturnes, mais aussi le champ magnétique terrestre pour certains, tels les pigeons qui, selon de récentes découvertes, possèdent dans la peau recouvrant la partie supérieure du bec, 90% de maghémite (Fe2O3) et 10 % de magnétite (Fe3O4), plus précisément dans les dendrites des neurones, ce qui leur permet de connaître leur position géographique (d’après Gerta Fleissner, Branko Stahl, Peter Thalau, Gerald Falkenberg et Günther Fleissner : Un nouveau concept de magnéto-réception à base de Fe).
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