La lettre saisonnière des écolos
Envol d'automne
Envol d'automne
Line Hermet, Les plantes, les fleurs, m'ont toujours émerveillée. Aujourd'hui, fidèle membre des Brins de Bota, je peux m'adonner à ce qui est devenu une passion et avec eux continuer à m'émerveiller devant les plantes et leurs secrets. Au passage, un grand merci aux Écolos pour leur contribution à la connaissance et la défense de la nature.
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Éviter Réduire Compenser (ERC)
Éviter Réduire Compenser (ERC)
Pour préserver les milieux naturels, les plans et projets d’aménagement doivent suivre trois étapes d’élaboration : l'évitement des impacts en amont du projet, la réduction des impacts durant le projet, la compensation des impacts résiduels qui n’ont pu être évités : cette démarche s’appelle la séquence ERC.
En 2016, les salariés des EE s’interrogent sur l’éthique de leur accompagnement vis-à-vis des aménageurs, dans la définition et la mise en œuvre de mesures compensatoires. En 3 ans, qu’est-ce qui a changé ?
Interview de Marion Bottollier-Curtet
Depuis combien d’années les EE sont-ils impliqués dans la séquence ERC et que faites-vous exactement ?
Les EE sont impliqués dans la séquence ERC 1 depuis que l’association réalise des études réglementaires, c’est-à-dire depuis environ 30 ans. Mais le premier dossier CNPN 2 a été réalisé en 2007, il s’agissait du dossier lié au réaménagement du lido de Sète. C’était l’un des premiers réalisés en région.
Depuis les tous premiers dossiers CNPN réalisés par l’association, nous mettons en œuvre des mesures compensatoires.
Les EE n’interviennent que sur le « volet naturel » des études réglementaires, c’est-à-dire les habitats naturels, la flore et la faune. En interne, nous ne disposons pas des compétences sur les poissons et autres espèces strictement aquatiques, en dehors des larves d’odonates et des macrophytes. Nous n’intervenons pas non plus sur les autres aspects des dossiers environnementaux, comme le bruit, l’air.
Est-ce qu’on peut vous qualifier d’opérateur de compensation 3 ?
L'association met en œuvre des mesures compensatoires mais ne se porte pas acquéreur de foncier, ce qui constitue notre limite.
Quelles évolutions as-tu constatées dans la compréhension de la séquence ERC par des maîtres d’ouvrage ?
Plusieurs phases se sont enchaînées, la première, depuis le Grenelle de l’environnement est la sensibilisation des maîtres d’ouvrage à l’évaluation environnementale et à l’intégration systématique de la séquence ERC dans les dossiers. Cette période a également marqué une rigueur plus importante sur les obligations de compensation formulées par les services de l’État.
Les maîtres d’ouvrage ont dû s’adapter, argumenter davantage leurs dossiers. Parfois, cela s’est fait avec un peu de difficultés et d’incompréhension : pourquoi un dossier qui était recevable auparavant ne l’est plus à présent ? Quelle part de subjectivité dans la rédaction des dossiers d’une structure à l’autre ? Et l’analyse des dossiers de la part des services de l’État ? On nous a parfois suspectés d’être « à la solde » des services de l’État. La réalité était que chacun cherchait sa place et la meilleure manière de travailler ensemble. Par chance, les services de l’État dans la région Languedoc-Roussillon se sont beaucoup investis dans le cadrage des études, en fournissant des outils méthodologiques qui ont permis d’uniformiser certains aspects des dossiers (exemple de la hiérarchisation des espèces). Ils se sont également rendus disponibles pour rencontrer les porteurs de projet.
Suite à la Loi Biodiversité de 2016 et à la codification de la séquence ERC un nouveau durcissement s’est opéré. Plus qu’un durcissement, il s’agit en fait d’une généralisation de la rigueur avec laquelle doivent être pris en compte les aspects écologiques et la biodiversité. D’autant que depuis les années 2013-2014, deux constats avaient été faits :
● les dossiers de compensations avaient tendance à se généraliser, en négligeant les étapes d’évitement et de réduction des impacts, voir en confondant les trois types de mesure et sans avoir de réels retours sur l’efficacité des premières mesures de compensation mises en œuvre,
● les mesures compensatoires étaient plus difficiles à mettre en œuvre, notamment en raison de la pression foncière très élevée en région.
Les porteurs de projet ont alors vraiment pris conscience que les volets naturels des études réglementaires ne pouvaient plus se faire en dilettante : certains ont formé leurs équipes en interne, voire ont embauché des écologues, souvent généralistes, afin d’avoir des interlocuteurs qualifiés pour monter les dossiers réglementaires avec les associations et les bureaux d’étude naturalistes.
La législation concernant l’environnement et surtout son application est en constante évolution. À l’heure actuelle, plusieurs sujets préoccupent les différents intervenants :
● élargissement des possibilités de demandes d’évaluation au « cas par cas », dans laquelle le porteur de projet peut soumettre un premier dossier associé à un pré-diagnostic écologique, plus léger qu’une étude complète, afin que les services de l’État statuent sur la nécessité ou non de fournir un dossier complet ;
● apparition de la compensation agricole et de la compensation forestière, qui peuvent être mutualisées avec la compensation espèces protégées lorsque le contexte s’y prête ;
● nécessité d’améliorer l’analyse des impacts cumulés ;
● importance de la séquence ERC dans les documents de planification (PLU ; PLUi, SCOT...).
Quelles sont les difficultés de la mise en œuvre ERC ?
Pour l’évitement, la garantie de la réussite est d’intervenir assez tôt en amont pour envisager plusieurs scénarios, dans un dialogue avec le maître d’ouvrage et les administrations. Ce n’a pas été toujours le cas mais cela s’améliore. En ce qui concerne la réduction, la difficulté est de se projeter dans la phase chantier avant sa mise en œuvre. La présence d’un écologue pendant la phase de chantier s’avérera essentielle par la suite. Enfin, pour la compensation, les mesures doivent être cohérentes.
Quelles sont les limites ?
Le passage de la théorie à la pratique pour certains concepts comme le gain de biodiversité ou l’absence de perte nette, le ratio de compensation, l’équivalence écologique. Là-dessus, les méthodologies ne sont pas calées entre bureaux d’études. Le temps imparti pour faire du terrain ne permet pas d’inventaire exhaustif de la faune et la flore, ni une connaissance fine des fonctionnalités écologiques. Du coup, on identifie les habitats naturels susceptibles d’abriter telle ou telle espèce et leurs potentialités plutôt que d’estimer des populations et de se lancer dans des calculs de pertes et de gains de biodiversité. On sait calculer ou estimer des impacts mais de manière un peu artificielle.
Quels sont les points positifs ?
Les services de l’État et notamment la DREAL Occitanie sont très présents sur l’articulation entre la théorie et la pratique et sur l’homogénéisation des études. La DREAL a ainsi créé, en partenariat avec la Région, une communauté pour constituer une culture et des outils communs entre des acteurs aussi divers que les bureaux d’études, les maîtres d’ouvrage et les services de l’État. La formation des agents de chantier est également une avancée.
Et les résultats sur la biodiversité après des mesures de compensations sont-ils visibles ?
Pour le moment, les retours d’expérience sont très courts pour pouvoir émettre de véritables conclusions. Certaines observations sont positives : on voit revenir du Lézard ocellé sur des garrigues ré-ouvertes. Cependant, plusieurs questions se posent : est-ce que les mesures parviennent réellement à aboutir à un maintien des populations voire à leurs augmentations ? Jusqu’où va pouvoir aller cette course à la compensation ?
Et à l’avenir, l’idée vous a-t-elle effleurés d’obtenir un agrément pour revendre des unités de compensation en achetant et revendant des terrains ? Avez-vous eu des discussions ?
Nous avons eu des discussions, au sein de l’équipe salariée uniquement, sur la possibilité d’investir dans les sites naturels de compensation 4. Nous estimons que les retours concernant les expérimentations ne sont pas assez concluants. La mise en place du dispositif coûte cher, les unités de compensation sont vendues parfois avant que le résultat n’ait pu être mesuré sur une durée assez longue (voire mesuré tout court).
Certains sites nécessitent des élargissements de leur possibilités de vente (par exemple vente d’unité de compensation pour une espèce qui n’était pas initialement intégrée ou prévue pour être compensée sur ce site). Ce système n’est pas un passage obligé pour faire de la compensation. Nous privilégions la mise en œuvre de la compensation en direct avec le maître d’ouvrage, ce qui a une vertu pédagogique. Cela permet de faire prendre conscience du temps et des étapes nécessaires pour concevoir un tel projet. En outre, cela met en évidence la dynamique des milieux et des espèces qui évoluent, sous l’influence de multiples facteurs. Une espèce observée une année pourra ne pas l’être pendant plusieurs années ensuite. Cela ne signifie pas pour autant que la compensation est efficace ou ne l’est pas …. ou que cette espèce soit encore présente ou pas.
Dernière minute
La dernière étape de la séquence ERC - la compensation- fait couler beaucoup d’encre et suscite de nombreux débats, notamment autour de l’idée que la compensation serait un droit à détruire la nature. Il faut sans doute laisser du temps au temps, mais la dernière étude publiée par le Muséum National d’Histoire Naturelle5 dans Biology Conservation en septembre 2019 tombe comme un couperet : “la compensation ça ne marche pas”, d’après l’étude de 24 projets d’infrastructure passé au crible ! Les gains de biodiversité sont largement inférieurs aux pertes. D’un point de vue quantitatif, pas assez de surfaces compensées face à l’artificialisation des sols et d’un point de vue qualitatif les secteurs de compensations sont trop morcelés, ne se focalisent que sur certaines espèces emblématiques et au final “consomment” des espaces naturels au lieu de réhabiliter des sols agricoles épuisés ou des friches industrielles ou urbaines. Nous vous en reparlerons dans un prochain numéro.
1 - La principe ERC a été introduit en 1976 et a évolué récemment avec la loi Biodiversité de 2016. Il vise à ce que les plans et projets d’aménagements n'engendrent aucune perte nette de biodiversité.
2 - Dossier CNPN (Conseil National de la Protection de la Nature) : demande de dérogation pour destruction d’individus et/ou d’habitats
3 - Un opérateur de compensation est un acteur foncier qui achète des terrains destinés à porter des mesures compensatoires pour le compte d’un maître d’ouvrage Ce système est appelé “compensation par l’offre”.
4 - Un site naturel de compensation est une opération de restauration ou de développement d’éléments de biodiversité agréée par l’État, anticipant les besoins de compensation sur un territoire dans le cadre de projets,plans et programmes. Un site naturel de compensation correspond à une compensation dite «par l’offre». Commissariat général au développement durable.
Hélène Dubaele, je côtoie les EE depuis de nombreuses années dans un cadre professionnel. En 2018 j'ai passé le cap en rejoignant le CA.
J'espère que mon agenda me permettra de contribuer à ses nombreuses activités et devenir un membre actif !
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ERC au quotidien ?
ERC au quotidien ?
Dans les grands registres de notre vie de tous les jours, est-ce que cette « grille » ERC, pourrait nous aider à faire de bons choix dans nos actes de la vie quotidienne ?
Quelques mises en situation à titre d'exemples :
Je dois me déplacer pour aller voir ma cousine à Strasbourg
1. Est-ce que je peux éviter d'y aller ? Dans ce cas un coup de téléphone ou un échange en visioconférence peut-il suffire ?
2. Il faut que j'y aille. Dans ce cas, le choix de la réduction est large : je peux éviter l'avion (un gouffre énergétique), la voiture (surtout si je suis seul dedans), la chaise à porteur (catastrophique sur le plan social), la péniche (un peu long...) et choisir le train.
3. Par contre, compenser n'est pas simple, il y a bien des associations qui vont vous proposer de verser votre obole pour replanter des arbres « puits de Carbone » mais est-ce vraiment une bonne option ? Comme en matière d'aménagement, la compensation est la dernière solution qu'on voudrait éviter...
J'ai besoin d'un nouvel aspirateur
1. éviter : je le fais réparer. Il existe de plus en plus de centres de réparation ou des « repair cafés » et mon aspirateur trouvera une seconde vie ; ou passer le balai, moins efficace dans les coins, mais bien plus économe en matériaux investis et en énergie.
2. réduire : j'en achète un d'occasion ou je le mutualise avec mon voisin, qui comme moi ne s'en sert pas plus d'une fois par semaine.
3. compenser : là encore, la compensation n'est pas évidente...
J'ai envie de manger des crevettes
1. éviter : Savez-vous comment sont nourries les crevettes, surtout quand elles viennent d'élevages situés à l'autre bout du monde, bourrées de farines animales ? Non, laissez tomber ! Un meilleur choix serait de reporter votre recherche de protéines animales vers des vers de farines, nourris localement de farines de céréales bio qui sont bien moins consommatrices de CO2 et d'intrants et qui comportent moins de risques sanitaires.
2. réduire : si vous ne pouvez pas vous retenir, essayez des crevettes européennes, issues de pêche côtière, bien plus petites et sans doute meilleures.
3. compenser : aïe, là encore, il va falloir faire preuve d'imagination...
Je veux prendre un bain
1. éviter : je laisse le soin à votre entourage de juger, mais il faut être conscient qu'on est soumis à une forte pression concernant l'hygiène corporelle et que l'hygiénisme du 19e siècle a été relayé par des normes sociales, largement prescrites par le lobby des parfumeurs et des savonniers...
2. réduire : la douche permet de réduire ma consommation d’eau (si la durée est raisonnable...)
3. compenser : alors là, c'est facile :vous récupérez l'eau dans votre bac de douche (20 litres au moins pour ce qui me concerne) et vous l’utilisez dans vos toilettes ou pour arroser vos pots de fleurs ou votre jardin.
Au vu de ces exemples, j'ai bien compris que nos choix individuels ne peuvent être assimilés à des actions d’aménagements ou à des choix de politiques environnementales et donc que cette tentative d'élargir la séquence ERC à notre quotidien a effectivement ses limites. En remuant mes souvenirs, je me suis souvenu de la règle des 3R proposée lors du Jour de la Terre dans les années 70 (Réduire, Réutiliser, Recycler). Elle a évolué, dans les années 2000, en celle des 5 R (Refuser, Réduire, Réutiliser, Recycler, composter (Rot en anglais)). Comme les démarches autour de l'économie circulaire, elle interroge plus largement nos pratiques de vie quotidienne et de consommation, en prenant en compte les cycles de vie des biens et des services dans leur ensemble : processus de production, d'usage et de fin de vie du produit, émissions de CO2, approche sociale, impact sur l'environnement et la biodiversité...
Donc il me reste encore pas mal de boulot pour faire ma part de colibri, et essayer de faire preuve d'imagination, pour aller plus loin dans la recherche de cohérence entre ma vie quotidienne et la nature.
Pour aller plus loin :
Une vidéo de “Partager c’est sympa”, didactique et drôle à la fois, pour orienter nos choix de consommation, en particulier au moment des soldes
Jean Burger, J’ai fait partie de
l’équipe des écolos des premières années, en tant qu’étudiant bénévole
puis comme salarié. Depuis le virus de faire connaître et partager la
nature avec les autres ne m’a plus quitté. Quand les sorties sur le
terrain m’en laissent le temps, je suis aussi coprésident de cette belle
association
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La forêt connectée
La forêt connectée
Outre le sac à dos de base, je tiens un panier à la main car c'est l'un des moments de l'année où la recherche des champignons est ici la plus propice. Bien entendu, le cèpe de Bordeaux (Boletus edulis) est le plus recherché pour beaucoup. Pour ma part, j'essaie, en fonction de mes connaissances, de diversifier ma cueillette, sachant depuis longtemps, que ce que je mange le soir est le porteur et le vecteur des spores du champignon. Il s'agit du sporophore, la partie sexuée en quelque sorte. Le cèpe de Bordeaux est un champion dans ce domaine. Son hyménium est capable de produire en deux semaines dix milliards de spores qui sont disséminées par le vent, mais aussi par les insectes, les mollusques et les animaux qui, en passant, les stockent dans leurs téguments. Le sporophore est en fait la partie visible du champignon qui fait partie du microbiote fongique en relation avec les arbres environnants mais également avec de nombreuses autres plantes et des lichens.
Une lecture bienvenue
Le remarquable ouvrage "Sous la forêt" de Francis Martin 1, Directeur du laboratoire d'Excellence ARBRE de Nancy, nous en apprend énormément sur ces relations. Certaines lignées de champignons existaient probablement il y a un milliard d'années dans les océans primitifs, avant de coloniser les continents il y a 500 millions d'années. Les chercheurs sont convaincus que les plantes ont pu coloniser le milieu terrestre grâce à leurs alliés fongiques. Il en existe trois millions d'espèces (incluant macromycètes, levures et moisissures) qui représentent sans doute aujourd'hui un espoir pour l'avenir de la planète, notamment pour leur capacité de dépollution, y compris dans le domaine de certains plastiques.
Je sais désormais que, sous mes pieds, dans la litière superficielle et le sol sous-jacent, il existe un véritable microbiote quadrillant le terrain. Il s'agit de la partie invisible du champignon, constituée de filaments microscopiques appelés hyphes formant le mycélium. Ce dernier va coloniser les racines et radicelles des arbres par le biais des mycorhizes. Cet ensemble, qui est la partie principale des mycètes, peut atteindre un poids considérable. Ces associations symbiotiques engendrent des zones de contact avec les cellules végétales, créant une surface d'échange aux bénéfices réciproques : les champignons, grâce aux diverses substances acides et aux enzymes qu’ils synthétisent et sécrètent , dissolvent les minéraux du sol et les transmettent aux systèmes racinaires des végétaux qui les assimilent directement. En retour, grâce à leur production photosynthétique et à leurs exsudats racinaires, les plantes fournissent aux champignons les sucres qu'ils sont dans l’incapacité de produire.
De mieux en mieux
Une publication de Catherine Lenne 2, Chercheuse à l'INRA-UCA à l'université Clermont-Auvergne, met en évidence le fait que les plantes perçoivent leur environnement et communiquent en alertant éventuellement leurs voisines. Elles échangent aussi des informations, des éléments nutritifs et de l’énergie par le biais des réseaux mycéliens des champignons. Décidément, je suis loin de la représentation simpliste des champignons que je me faisais il y a encore quelques années.
Connaissant désormais la nature du milieu sur lequel je marche, mon respect pour cet environnement et ses mécanismes relationnels s'amplifie fortement. En tant qu'accompagnateur de randonnées en milieu associatif, je ne manquerai pas désormais d'évoquer ce sujet et de conseiller la lecture de ce passionnant ouvrage de Francis Martin devenu désormais ma référence.
Mais il est temps maintenant de poser ma plume et de filer à la cuisine préparer et consommer mon plat de... sporophores avec, certes, bien du respect mais aussi avec le plus grand des plaisirs.
1 - “Sous la forêt”. Pour survivre, il faut des alliés, Francis Martin, éd. HumenSciences. Janvier 2019.
2 - Revue “Pour la Science”, hors-série de nov.-déc. 2018. P. 30. Catherine Lenne, “Une communication pleine de sens”. Dotées de nombreux sens, les plantes échangent quantité d’information et de matière..
Daniel Arazo, La connaissance et le
respect du milieu naturel ont toujours été un moteur essentiel pour moi.
J’essaie de les transmettre dans les activités associatives que je mène
et dans les “balades” que je propose chaque semaine dans la “Gazette de
Montpellier”.
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Les champignons médicinaux, des atouts pour l’immunité
Les champignons médicinaux, des atouts pour l’immunité
Des propriétés variées
Sur les 15 000 espèces de
champignons “supérieurs” (Basiodiomycètes et Ascomycètes) qui existent
sur Terre, 700 d’entre eux ont des usages médicinaux, et plus de 1800
espèces pourraient présenter, selon les chercheurs, un intérêt
thérapeutique.
Dans nos contrées, les champignons ont de tout temps
suscité une certaine méfiance ; associés au monde souterrain et à ses
mystères, ils ont été tenus éloignés de la médecine et de nos
pharmacopées successives. Très peu de travaux scientifiques sont
disponibles, en dehors de ceux du Pr. Réveillères de la Faculté de
Pharmacie de Nantes, qui mettaient en valeur quelques espèces dans les
années 1980 : Boletus edulis, Cèpe de Bordeaux, agrégant plaquettaire - Agaricus campestris, Rosé des prés, anti-allergique respiratoire - Lepista nuda, « Pied bleu », anti-tumoral - Marasmius oreades, « Pied dur », antidépresseur - Pleurotus eryngii, Pleurote du panicaut, hypocholestérolémiant…
« En Asie, l’utilisation de champignons médicinaux fait partie des savoir-faire ancestraux de la médecine traditionnelle 1.
La recherche apporte aujourd’hui des arguments scientifiques à ces
pratiques » nous dit Sylvie Rapior de la faculté de Pharmacie de
Montpellier. Une collaboration avec des chercheurs thaïlandais a permis
de recenser les effets de nombreuses espèces ainsi que leurs mécanismes
d’action (2012). Les principales propriétés concernent la stimulation du
système immunitaire et la régulation du cholestérol et du glucose.
Par quelles substances les champignons agissent-ils ?
Dans
l’histoire de la thérapeutique occidentale, de remarquables substances
issues du monde des champignons microscopiques ont été découvertes,
comme les antibiotiques (ex. : pénicilline, céphalosporine), les
statines pour diminuer le taux de cholestérol, des antifongiques (ex. :
griséofulvine) ou encore des immunosuppresseurs (ex. : cyclosporine).
Les
parois cellulaires des macromycètes recèlent des molécules
particulièrement intéressantes sur le plan de l’immunité en général, et
des cellules cancéreuses en particulier ; ce sont les glycanes ou
polysaccharides, c’est-à-dire des polymères de plusieurs sucres simples
liés entre eux selon des séquences variées.
Ces molécules, parce
qu’elles ne sont pas synthétisées naturellement par le corps humain, ont
la capacité d’activer la réaction immunitaire. Elles induisent une
stimulation de l’activité cellulaire cytotoxique (lymphocytes T et
cellules Natural killer NK) permettant l’élimination des cellules
pathogènes, et, via l’activation de récepteurs membranaires, déclenchent
une forte réaction inflammatoire (synthèse de cytokines : TNFα et
interleukines).
D’autres substances sont impliquées dans cette
activité : des protéines, des lipides et de plus petites substances
comme des lectines, lactones, terpénoïdes, alcaloïdes, phénols ou
stérols. Certaines d’entre elles sont capables d’agir directement sur le
signal cellulaire impliqué dans le développement et la progression du
cancer.
Par ailleurs, sur le plan nutritionnel, les champignons
présentent l’intérêt de contenir tous les acides aminés essentiels et
sont plus riches en protéines que les végétaux. Leur concentration en
vitamines du groupe B (B1, B2, PP et B6 majoritaires), indispensables à
l’équilibre nerveux, est leur véritable atout. Quant aux minéraux
(phosphore, potassium et fer) et oligo-éléments (zinc, bore et surtout
sélénium), ils en sont très bien pourvus.
Cependant prudence, les
champignons ont tendance à accumuler certains déchets du sol ainsi que
de concentrer la radioactivité. Il convient d’être attentif à la qualité
des lieux où ils prospèrent ou du support de culture choisi.
La mycothérapie au service de l’immunité
Parmi les champignons les plus utilisés en thérapeutique pour stimuler le système immunitaire, en voici quelques-uns :
Agaricus subrufescens ou Agaricus blazei sensu, Blazei ou « Champignon de Dieu » (Agaricacées) :
Poussant
en sous-bois dans la forêt vierge du Brésil et maintenant cultivé en
Asie, il s’agit d’un comestible au délicat goût d'amande, proche de
celui du champignon de Paris.
Ses substances actives sont
protectrices des infections microbiennes et virales par leur action
immunostimulante. Certains composés sont également anti-mutagènes
in-vitro (composés : polysaccharides, glycoprotéines ainsi qu’agaritine,
ergostérol). Des études ont montré l’amélioration de la qualité de vie
de patientes traitées pour un cancer gynécologique par chimiothérapie.
Par ailleurs, cet Agaricus est traditionnellement utilisé dans la
dermatite (ou eczéma) atopique.
Ganoderma lucidum,
Ganoderme luisant, « Champignon de longévité », « miraculeux » ou «
herbe porte-bonheur », Reishi ou Ling Zhi en Chine, Saruno koshikake au
Japon (Ganodermatacées) :
Très
rare à l’état sauvage, il croît dans les forêts tempérées d’Asie et
d’Europe. Le Reishi est connu en Chine depuis 2000 ans comme grand
tonique du Qi (énergie vitale), et était employé pour stimuler mémoire,
vitalité et longévité. Il est comestible mais toutefois peu apprécié en
cuisine car coriace.
Ce Ganoderme est un champignon immunostimulant
qui stimule la production de cellules cytotoxiques et diminue la
prolifération des cellules tumorales (composés actifs : polysaccharides,
triterpènes). Il améliore la qualité de vie des patients sous
chimiothérapie cancéreuse. Il manifeste également une activité
anti-inflammatoire comparable à celle de l’hydrocortisone.
Par
ailleurs, il est hépatoprotecteur et bénéfique sur le rein
(glomérulonéphrite), protège le pancréas, régule le sucre dans le sang
ainsi que la tension artérielle.
Grifola frondosa, « Champignon dansant » ou « qui rend éternel », Hui Shu Hua en Chine, Maïtaké au Japon (Méripilacées) :
Il
serait le plus puissant des immunostimulants existant chez les plantes
ou les champignons (composés actifs : polysaccharides). L’activité des
cellules cytotoxiques du système immunitaire (chargées de détruire les
cellules cancéreuses) est multipliée de 1.5 à 3 grâce à des prises
orales d’extraits aqueux de Maïtaké. Dans certains cancers, les
chimiothérapies sont ainsi potentialisées. Par ailleurs des
triacylglycérols ont des effets anti-mutagènes directs.
Il manifeste
également une activité métabolique intéressante. Anti-stress,
anti-oxydant ralentissant les processus dégénératifs, il régule la
tension, abaisse le cholestérol et les triglycérides, améliore la
tolérance au glucose et protège le foie de l’action de divers
médicaments.
Lentinula edodes, Lentin du chêne (quand
cultivé sur bois de chêne) ou « Champignon du samouraï », Xang gu en
Chine, Shiitaké au Japon (Marasmiacées) :
Autrefois
réservé aux seuls empereurs comme remède universel aux milles vertus,
c’est le champignon le plus cultivé dans le monde avec le champignon de
Paris, doublement apprécié pour ses qualités gustatives et ses
propriétés vitalisantes.
Des centaines d'études cliniques lui ont été
consacrées ces dernières années en Asie, en Europe et aux États Unis.
Le Shiitaké est immunostimulant et anti-mutagène par ses polysaccharides
(lentinane) et autres composés (ex : ester d’acide caféique).
Il a
par ailleurs une action métabolique et cardio-vasculaire. Les
asiatiques l’utilisent pour faire baisser la tension, le cholestérol et
lutter contre les infections (substance antibiotique).
Inonotus obliquus, Chaga ou Tchaga, le « Champignon de Soljenitsyne », Bai Hua Rong en Chine, Kabanoanakake au Japon (Hyménochaétacées) :
Récolté
sur les troncs de bouleau qu’il parasite, ce champignon à l’aspect de
bois brûlé est consommable en l’état, frais et cru. Utilisé par les
russes et les asiatiques depuis des milliers d’années, il a bon goût et
ne présente aucune toxicité.
Les russes élaborent une boisson
fortifiante très célèbre chez eux, remède nommé « Belfunginum » destiné à
toute la famille, à tous les âges. Dans son livre « Le pavillon des
cancéreux », Soljenitsyne évoque une région de Sibérie épargnée par le
cancer grâce à la coutume de boire en guise de thé une infusion de ce
champignon. Il fait partie de la pharmacopée russe depuis 1955, présenté
comme anti-cancéreux (composé : acide bétulinique, également retrouvé
dans l’écorce de bouleau).
La poudre de Chaga est réputée antiseptique et cicatrisante par voie externe (polyphénols).
Comment utiliser les champignons médicinaux ?
Les
pays d’Asie pratiquent aujourd’hui une culture industrielle ou
semi-industrielle d’un certain nombre d’espèces (myciculture), dont
certaines techniques ont été transférées en Occident.
Dans le
commerce, ils seront retrouvés sous différentes présentations en tant
que compléments alimentaires : poudres, extraits liquides ou extraits
secs standardisés. Les extraits seront préférés aux poudres en raison de
leur plus forte teneur en polysaccharides ayant une action immunitaire.
La poudre, quant à elle, est plus riche en certains minéraux et
vitamines et conviendra à la prévention.
Pour certaines espèces,
le mycélium, recelant également des actifs intéressants, est exploité.
Ses qualités sont soumises à davantage d’aléas, avec des effets
thérapeutiques variables.
Exemple d’utilisation du Shiitaké, pour « booster » le système immunitaire avant l’hiver :
Prendre
5 g de champignon séché par jour ou 3 gélules de poudre par jour ou 1
gélule d’extrait titré en polysaccharides (20 à 30%), en cure pendant 3
semaines.
Par prudence, le shiitaké est déconseillé aux femmes
enceintes ou allaitantes, ainsi qu’aux enfants. Il peut occasionner des
troubles de type allergique ou digestif.
1 -
Le premier ouvrage de matière médicale chinoise, traitant de drogues
végétales, animales et minérales, le Shennong bencao jing, décrit un
certain nombre de champignons médicinaux. Datant des alentours du début
de notre ère, il serait une compilation de textes beaucoup plus anciens.
Annie Fournier, Dr en pharmacie,
formatrice et rédactrice dans le domaine des plantes médicinales et de
la santé naturelle, adhérente de l'association depuis 2000.
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Mon coin de paradis : la pointe de l'Espiguette
Mon coin de paradis : la pointe de l'Espiguette
Son nom est évocateur : l'Espiguette, le petit épi. En réalité, une
langue de sable qui s'avance dans la mer et qui progresse vers le golfe
du Grau-du-Roi d'environ un mètre par an.
L'étendue est vaste.
Depuis la Méditerranée en allant vers l’intérieur des terres, on trouve
d'abord les laisses de mer, toujours objets de curiosité. Puis du sable,
du sable, du sable... À la faveur des grands vents se forment des dunes
éoliennes, les barkhanes. Des dunes comme celles qu'on peut trouver
dans les déserts. Aucune végétation ne les fixe. Elles sont donc
mobiles. Leur forme est celle d’un croissant dont les cornes sont
orientées dans le sens où souffle le vent.
Après quelques centaines de mètres apparaissent les plantes pionnières, premières fixatrices du sédiment : Cakile maritime (Cakile maritima), Panais porte-épines (Echinophora spinosa), Euphorbe des dunes (Euphorbia paralias)... Le vent, encore lui, entraîne la formation de petits tas de sable en « aval », à l'abri des touffes herbacées. D'où le nom de dunes-girouettes donné à ces micro-reliefs.
Jeune pied de Cakile maritime en haut de plage
Rapidement, les dunes accueillent une flore plus installée et prennent alors de la hauteur. Jusqu'à 11 mètres d'altitude à proximité du phare. Ce n'est pas le Pilat mais tout de même... Dans ce contexte de dunes et de creux, d'exposition à la mer ou à l'abri de celle-ci, un regard attentif permettra de distinguer des groupements végétaux sensiblement différents. Ici l'Oyat (Ammophila arenaria) et son cortège, ailleurs la Patience de Tanger (Rumex roseus), la Canne de Ravenne (Tripidium ravennae), qui n'est pas loin de sa limite occidentale, le Jonc aigu (Juncus acutus), le genévrier de Phénicie dans sa forme littorale (Juniperus phoenicea subsp. turbinata)... Les pins maritimes (Pinus pinaster) et leurs cousins « parasols » (Pinus pinea), plantés ou issus de la dissémination naturelle des graines à partir des semenciers, forment l'essentiel de la végétation arborée.
Canne de Ravenne en creux de dune - Canne de Ravenne : inflorescence
Les animaux sont plus “discrets” mais… Voici l'échappée furtive d'un Psammodrome des sables (Psammodromus edwarsianus), l'étonnante coquille de la Caragouille des dunes (Xerosecta explanata),
qui repose au sol par sa face plane lui permettant d'être moins balayée
par le vent. Ici l’entonnoir creusé par la larve d’un fourmilion, là
les traces de la Pimélie (Pimelia muricata) ou l’insecte lui-même.
Pimélie - Caragouille des dunes
Bien d'autres choses encore...
Alors,
le paradis, je ne sais pas mais pour peu que le Mistral ait dégagé
l'atmosphère, le bleu du ciel rejoignant celui, parfois vert, de la mer
vous donnera peut-être en bonus l'opportunité de voir au loin, bien
après le Mont St-Clair, le massif des Corbières et celui du Canigou.
Voilà de quoi joindre, en une après-midi, au bénéfice d'un grand bol
d'air iodé celui d'une double approche paysagère et naturaliste. Et le
plaisir d'une baignade ?
Photos : Jean-Pierre Vigouroux
Jean-Pierre Vigouroux,
Longtemps salarié de l'association, je mène aujourd'hui mon esquif en
tant qu'auto-entrepreneur dans les domaines de la botanique, de la
formation et d'activités diverses ayant trait à la médiation
scientifique.
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Le volet de nos pipistrelles
Le volet de nos pipistrelles
Une petite pipistrelle qui, "réveillée" par la lumière produite, se met à remonter plus haut le long du mur à reculons. Je rabats délicatement le volet et demande instamment au dit Moka de reprendre une vie normale, en clair de s'occuper à d'autres tâches, ce qu'il ne manque pas de faire car ici en pleines garrigues, y'a du lézard, des papillons, des sauterelles vertes, des criquets, des cigales, des campagnols, des oiseaux… Bref, l'activité de chasse pour petits félidés est bien remplie. Il y a même un autre de mes dits chats, Mowgli, qui nous a ramené un jour un Seps strié. Cette espèce étant protégée, j’ai immédiatement assigné Le Mowgli à la cour de justice de Genève aux Nations Unies Animales. Faut quand même ne pas exagérer là, non ? Mais … Classé sans suite et… Acquitté le Mowgli !
Depuis cette époque, tous les ans au début des beaux jours (vers fin mars), j'ai une ou deux de ces petites bêtes qui viennent régulièrement se réfugier au petit matin derrière mon volet et qui repartent chasser les insectes nocturnes à la tombée de la nuit. Ne les ayant pas baguées, je ne saurais dire si ce sont les mêmes d'une année sur l'autre ou pas. Qu'en dit la littérature : "animal très opportuniste, lieux bien exposés, dans les greniers des maisons ou derrière des volets". Plus développé : "Espèce essentiellement sédentaire. Les colonies de reproduction ne sont généralement séparées des quartiers que de 10 à 20 km. Cet animal part dans le sud pour hiverner de la mi-novembre à mars, avec des périodes de léthargie allant d'une à quatre semaines seulement, peut être dans les arbres creux, sinon dans les crevasses profondes des rochers, dans les fentes des murailles, dans les caves, les carrières et les habitations.
Elle peut chasser partout, du sol à la canopée avec une prédilection pour les allées forestières et les sous-bois. Elle chasse très souvent en lisière de forêt et au-dessus des points d'eau (mares, étangs) où les individus viennent boire 1. Avec une longévité supérieure à 17 ans, les femelles atteignent la maturité sexuelle pendant la première année, comme une partie des mâles. La mise-bas a lieu à partir de la deuxième année de la mi-juin à début juillet. Elles y mettent bas 1 petit, rarement 2 ou 3. Ils naissent totalement nus, les yeux s'ouvrent à 3 ou 4 jours. Le vol s'amorce à la quatrième semaine 2".
Et c'est ainsi que tous les ans, nous accueillons nos petites pensionnaires "triées sur le volet".
Une de "nos" pipistrelles sur son mur...
… Ou derrière "son" volet,
et le petit plaisir de caresser son museau de Nounours.
Un Seps strié (Chalcides striatus). Très difficile à observer.
Gilles Lorillon, Sauteyrargues, ingénieur
informaticien retraité, membre bienfaiteur des "Écologistes de
l'Euzière", car je les aime bien donc je les soutiens.
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Mes petites découvertes, sources de fertiles lectures
Mes petites découvertes, sources de fertiles lectures
Un beau jour ou peut-être une nuit, je ne sais plus ?
Mais si !!! C’était le matin quand Annie est partie dans le jardin cueillir des tomates. Elle était là, trônant au centre de sa toile de près d’un mètre carré, très grande, le dos uniformément blanchâtre, le ventre ornementé de très complexes et fins dessins quasi géométriques marron sur fond beige avec de très longues pattes regroupées par deux en croix de Saint André présentant une alternance de segments noirs et beiges mais surtout un abdomen (dénommé opisthosome chez les araignées) vraiment remarquable présentant 3 importantes et symétriques boursouflures latérales.
Notre invitée vue de dos et par en dessous
Au centre de la toile, des fils en zigzag la renforcent qui portent le nom de stabilimentum. Pas simple à placer lors d’un dîner en tête-à-tête mais au moins, le nom évoque la fonction.
Inconnue de nous, nous l’avons vite prise en photos et envoyée à Jean Burger pour avoir le contact de notre Spiderman euzérien : Louis Mertens. Retour quasi immédiat de Jean et confirmation de Louis « Une magnifique Argiope lobée. Ça fait plaisir de voir qu'on en trouve encore, leur présence est assez irrégulière ces derniers temps ».
Avec cette information essentielle je cherche et consulte des articles très généraux. Pas de doute possible entre mes piquets à tomates, c’est bien Argiope lobata qui a choisi notre jardin pour déployer sa toile. Une espèce que l’on rencontre dans le Sud de l’Europe, en Asie et en Afrique, proche parente d’une autre Argiope, elle aussi très belle mais plus petite : l’Argiope frelon où l’Argiope rayée (Argiope bruennichi).
L’Argiope frelon au centre de sa toile
L'Argiope frelon est assez commune à Restinclières dans les secteurs de hautes herbes sèches et dans nos rosiers où elle a choisi cette année de construire sa toile.
Le lendemain elle était toujours là mais cette fois, avec dans une petite toile attenante, une chétive petite araignée que j’avais vu la veille se promener à distance du piège déployé par notre belle invitée.
Notre couple dont le mâle a très probablement été sacrifié pour assurer la pérennité de ses gènes
Formidable, c’est donc bien le couple, même si en l’occurrence ce mâle est en fait fort minable.
Retour aux ouvrages. Si la femelle est polyandre (elle a la possibilité de s’accoupler avec plusieurs mâles) elle est aussi cannibale ; ce qui est le moyen le plus sûr de s’assurer de la fidélité de son partenaire qui lui, en échange, donnera son corps à sa partenaire pour contribuer, en l’alimentant, à la maturation de ses ovules. Ainsi après leur accouplement, il assurera avec plus de chance de succès, la pérennité de ses gènes via la vitalité de leurs descendants communs.
Re re-lendemain ; elle était encore là, mais plus lui. C’était écrit, en fait la Nature nous jouait un remake du drame version spidérienne de Papaoutai.
Étonnant tout de même une telle stratégie car comment la sélection naturelle a-t-elle pu aboutir à un tel dimorphisme entre femelle et mâle ? Une disproportion en outre, qui ne lui octroie, à priori, qu’une seule tentative pour qu’à défaut de lui perdurer au moins, et c’est l’essentiel, ses gènes lui survivent.
Dans ce domaine, comme dans tant d’autres, le premier à avoir été intrigué est le grand Charles, non pas celui avec un képi et de l’appel, mais le nôtre, Darwin, celui qui a vogué sur le HMS Beagle, qui était un fameux trois-mâts fin comme un oiseau. Hisse et ho, Santiano.
À son retour à Londres, au sein de la société zoologique, il pensa, pensa (Non Thibaut - c’est mon petit-fils de 5 ans qui a un adorable petit chuintement - pas le serviteur de celui qui avait une araignée au plafond et qui guerroyait contre des moulins à vent, lui, c’était Sancho Pança) et repensa à tout ce qu’il avait vu au cours de son tour du monde et qui est à l’origine de notre science et de beaucoup de vocations.
Pourquoi une telle différence de taille ? Même s’il est logique que les femelles puissent être plus grosses que les mâles car produisant les ovules où se trouvent tout le bagage cellulaire nécessaire à la vie du futur œuf, puis de toutes les cellules de l’adulte alors que les spermatozoïdes ne véhiculent quasi-exclusivement que le patrimoine génétique du mâle. Néanmoins si les spermatozoïdes ne peuvent pas avoir la taille des ovules, cela n’implique pas nécessairement que le mâle doive être si malingre. Il suffit de voir Arnold Schwarzenegger, Rocco Siffredi ou plus encore la Montagne de Game Of Thrones pour s’en persuader.
Dans la lignée de la théorie de l’évolution, dont notre Charles a été l’un des principaux concepteurs, les biologistes réalisèrent ultérieurement que la polyandrie (plusieurs mâles possibles pour une même femelle) et le fait que certaines femelles avaient la possibilité de stocker les divers spermes de leurs différents mâles pouvaient amener à une nouvelle forme de compétition mâle-mâle post-copulatoire dénommée la compétition spermatique.
Dans ces recherches, notre (car nous avons beaucoup pactisé) A. lobata a apporté des confirmations mais aussi des éléments nouveaux dont certains ne sont toujours pas totalement expliqués.
Regardons plus en détail tout cela maintenant.
Chez de nombreuses espèces d'araignées, en particulier celles construisant des toiles, les femelles ont pris le parti de consommer leur mâle et cela malgré ou grâce à leur petitesse. Dans cette affaire tout est donc une question de timing. S’il est dévoré avant d’avoir pu copuler et transférer son sperme, ce n’est évidemment pas bénéfique pour lui, alors que la femelle y gagnera un repas livré à son domicile et sans frais de port.
Ainsi l’investissement du mâle pour se reproduire est ici total et définitif. Cependant, il va tout mettre en œuvre afin que son sperme ne se retrouve pas en compétition avec celui des autres mâles qui se seront accouplés après lui avec la Belle et qui finiront, comme lui, à son menu.
Comme chez A. lobata on n’en est pas à un sacrifice près, la stratégie adoptée par le mâle est de laisser l’un de ses pédipalpes (les pédipalpes correspondent à la deuxième paire d'appendices buccaux classiquement dédiée à la préhension et la gustation des proies mais qui, chez les mâles d’araignée, sont terminés par un dernier article hypertrophié copulateur) à l'intérieur du canal d'insémination de la femelle, l’obstruant ainsi définitivement et cela en claironnant : Croyez-vous que je sois jaloux ? Pas du tout, pas du tout ! Moi j'ai un piège à fille, un piège tabou. Un joujou extra qui fait crac boum hue.
Comme les femelles ont 2 ouvertures copulatoires indépendantes reliées à une spermathèque via un canal d’insémination, elles auront, dans le cas de mâles précautionneux, la possibilité de ne s’accoupler que 2 fois. Par contre cela sera sans limite avec des mâles non concernés par les enjeux de la compétition spermatique. Suite à l’ablation de l’un de leurs pédipalpes les mâles seront : - soit stériles et le cannibalisme sera sans conséquence si ce n’est de réduire brutalement leur espérance de vie – soit, s’ils ont donc réussi à ne pas être croqués, eux aussi auront la possibilité de répéter une seconde et ultime fois l’épreuve particulièrement périlleuse de se reproduire.
Cependant il a été observé que l’Argiope lobée ne consomme pas systématiquement son mâle. En effet plus d’un mâle sur 2 survit à sa première copulation et cela à la différence de l’Argiope frelon où seulement 1 mâle sur 5 est épargné. Ainsi en fin de repas des banquets familiaux chez les A. lobées, il est de tradition que les quelques mâles encore en vie reprennent en chœur et avec ferveur : Mourir d'aimer. Payer l'amour au prix de sa vie. Ton cœur se prend, le mien se donne. Partir en redressant la tête. Sortir vainqueur d'une défaite. Mourir d’aimer.
Comme les chercheurs sont souvent des gens astucieux, ce cannibalisme sélectif d’A. lobée a été mis à profit pour comparer les succès reproducteurs du premier mâle d’A. lobée par rapport à son éventuel second et ce qu’il en résultait au plan de leur intégrité physique.
Il a été ainsi montré que, si les taux de cannibalisme sont équivalents pour les premiers ou les seconds mâles, ceux qui ont été cannibalisés lors de leur première copulation avaient sacrifié leur pédipalpe avec une probabilité bien plus élevée (74%) que les mâles qui avaient été épargnés (15%) et cela indépendamment de l’expérience de la femelle qu’elle soit vierge ou qu’elle se soit déjà une fois accouplée.
En outre, les mâles cannibalisés, dont la grande majorité s’étaient donc automutilés, avaient copulé plus longtemps que ceux qui avaient été épargnés. Ainsi, les dommages que les mâles s’imposent dans le cadre de leur compétition spermatique pourraient être influencés par la durée de la copulation, qui, elle relève d’un choix de la femelle avec donc deux options à sa discrétion style Fort Boyard :
ou
● tu fais vite, sans trop t’investir, la fuite t’est accordée et tu auras la possibilité de multiplier tes partenaires pour très éventuellement être père.
Ainsi, alors que l’on avait longtemps pensé que les femelles étaient passives aux stratégies des mâles d’optimisation de leur sperme par l’adoption de comportement post-copulatoire, ces observations chez A. lobée confirmaient le principe très général d’action-réaction qui contrôle les relations entre les espèces au sein d’une même communauté et, de ce fait, qui est aussi et avec la sélection sexuelle, l’un des moteurs majeurs de l’évolution des espèces et de leurs adaptabilités.
Les comportements des femelles d’A. lobée en réaction à celles des mâles les conduisent aussi à pouvoir favoriser le sperme d’un mâle au détriment de celui d’un éventuel autre mâle, partenaire pour elle et concurrent pour lui. Ces stratégies ont été dénommées choix cryptique des femelles et, là encore, les études sur A. lobée ont été d’un apport théorique majeur.
Chez beaucoup d’arthropodes, dont les araignées, l’inceste est toujours possible. Aussi, afin d’éviter les risques et les effets délétères de la consanguinité il a été montré que les femelles d’A. lobée interrompent d’autant plus rapidement la copulation que leur séducteur leur est apparenté. De plus, outre ce choix d’un mâle reproducteur préférentiel via la durée du temps d’accouplement qui lui est accordé, elle a développé des stratégies post-copulatoires plus sophistiquées encore et effectivement invisibles de l’extérieur d’où leur qualificatif de cryptique.
Comme chaque spermathèque stocke le sperme d’un mâle différent elle peut choisir ultérieurement d’ouvrir l’une ou l’autre de ses spermathèques et de transférer ainsi le sperme du mâle choisi jusqu’à ses oviductes en écartant systématiquement celui d’un frère, par exemple, car pas de risque d’inceste paternel puisque lui est probablement mort suite à ses actes d’amour avec sa propre mère.
Les femelles d’A. lobée ont même la possibilité de digérer le sperme d’un mâle non désiré alors qu’il est stocké au sein de l’une de ses spermathèques. Ainsi pour cet apparenté, après s’être automutilé et avoir été cannibalisé par sa partenaire son sperme sera lui aussi consommé et cela afin d’éviter la consanguinité et ses effets délétères.
Je suis malade, complètement malade. Je verse mon sang dans ton corps. Cet amour me tue, si ça continue je crèverai seul avec moi.
Je suis malade, c'est ça, je suis malade. Tu m'as privé de tous mes chants, tu m'as vidé de tous mes mots.
Et vous me demandez alors il est où le bonheur ?
Mais il est dans tout chat ; Thibaut !! sois un peu plus attentif s’il te plait car tout cela est aussi très sérieux.
Bibliographie pour les plus curieux et accessible via Scholar Google
Chuine A. (2010). Les comportements pré- et post-copulatoires d’évitement de la consanguinité . Mémoire Master Biologie des Organismes et des Populations - Écologie Comportementale et Conservation, Université de Bourgogne, 27 pp
Nessler S. H., Uhl G. Schneider J.M. (2009). Sexual cannibalism facilitates genital damage in Argiope lobata (Araneae:Araneidae). Behav Ecol Sociobiol 63:355–362
Tregenza, T. & Wedell, N. (2002). Polyandrous females avoid costs of inbreeding. Nature, 415, 71-73.
Welke K., Schneider J. M. (2009). Inbreeding avoidance through cryptic female choice in the cannibalistic orb-web spider Argiope lobata. Behavioral Ecology, 20, 1056-1062.
Daniel Guiral, retraité, danseur,
bonsaï-ka, aquariophile et inconditionnel des "Brins de Botanistes".
Membre du CA des Écologistes de l'Euzière depuis 2018 et représentant
l'Association au sein de la Commission Locale de l'Eau. Membre du Réseau
Eau Languedoc Roussillon de France Nature Environnement. Président de
l'Association Départementale des Anciens Maires et Adjoints de l'Hérault
(ADAMA 34).
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Les Carex de nos régions
Les Carex de nos régions
Le nombre important d'espèces (130 en France, 80 dans notre région, c'est-à-dire tout le sud de la France depuis la mer jusqu'aux montagnes pyrénéennes, alpines et du sud du Massif central), le fait que ces plantes ont la réputation de se ressembler beaucoup, constituent au départ des obstacles qui semblent difficilement surmontables.
Pourtant ces espèces discrètes, souvent abondantes, sont de très bons indicateurs écologiques, colonisant tous les milieux et signant de façon souvent précise la nature et le fonctionnement des habitats naturels.
Et elles ne sont pas si difficiles à déterminer si on sait (mais ceci est vrai pour tous les domaines des sciences naturalistes) quoi observer.
Il existe deux grandes catégories de Carex :
● les Vignea, où les fleurs mâles et les fleurs femelles (les Carex sont des plantes monoïques chez lesquelles les fleurs sont soit mâles, soit femelles, mais portées sur le même individu) sont mélangées dans les épis.
● les Eu-carex où les épis sont soit mâles (ne portant que des fleurs mâles) situés en général au sommet des tiges, soit femelles (ne portant que des fleurs femelles) situés en dessous sur les tiges.
Cette première distinction étant faite, il faudra, pour pouvoir utilement se servir d'une clé de détermination, bien observer les caractères suivants :
● la souche : elle peut être cespiteuse ( en «touradons») ou gazonnante (= stolonifère) : si certaines espèces sont très typiques sur ce critère (Carex paniculata ou C. elata pour les cespiteuses, Carex divisa pour les gazonnantes), beaucoup d'autres ne sont pas si nettes et c'est donc un critère rarement déterminant.
● la taille : certains Carex sont grands (1,50m chez C. pendula), d'autres minuscules (10cm ou moins chez C. humilis ou le très rare et protégé C. pauciflora).
● les feuilles : elles peuvent être nombreuses, fines ou larges, longues ou courtes, dépassant ou non les épis supérieurs ; l'aspect très feuillé de C. halleriana par exemple, ou les feuilles très fines de C. lasiocarpa sont discriminants.
La couleur du feuillage est aussi très importante pour de nombreuses espèces : glauque (bleu-vert) chez C. flacca, C. panicea, C. riparia, C. elata, très vert chez C. nigra, C. cuprina, C. humilis, presque vert-jaune chez C. viridula, C. rostrata...
Les gaines des feuilles peuvent avoir leur importance : la couleur rouge de ces gaines est caractéristique chez le rare C. olbiensis.
● les bractées : c'est-à-dire la dernière pièce feuillée placée en dessous des épis: la bractée peut être longue et dépassant la tige (C. distachya, C. remota), très fine (C. muricata), perpendiculaire à la tige (C. tomentosa).
● la tige : le plus souvent à trois angles (rarement arrondie) ; les faces concaves des tiges de C. cuprina sont très typiques. Les tiges peuvent être lisses ou scabres (= rugueuses).
● les épis mâles : chez les eu-carex, la forme des épis mâles (fusiforme, linéaire, en massue) et leur couleur (fauve, brune ou noire) sont importantes. Les écailles des fleurs mâles ne sont discriminantes que pour C. riparia (écailles pointues) et pour son cousin C. acutiformis (écailles obtuses).
● les épis femelles : leur longueur, l'aspect penché à maturité (C. pendula), la présence ou non d'un pédoncule plus ou moins long, l'espacement entre eux, la distance les séparant des épis mâles, la densité des utricules constituent de très bons critères (le petit nombre d'utricules dans les longs épis de C. depauperata par exemple).
Chez les Vignea, où tous les épis sont semblables, regarder si les fleurs mâles sont plutôt au sommet ou plutôt à la base des épis.
● les stigmates : les Carex ont deux ou trois stigmates. Mais cela se voit à la floraison et souvent les autres critères de détermination exigent une bonne maturation des utricules, quand les stigmates ont disparu !! Mais les utricules aplatis sont à deux stigmates, les utricules arrondis (de loin les plus nombreux) sont à trois stigmates.
● les utricules : c'est la pièce maîtresse de la détermination des Carex. Les utricules sont des «sacs» enveloppant les fleurs femelles, donc un peu plus tard, les fruits (qui sont des akènes). Ils sont recouverts d'une écaille.
La taille des utricules, leur forme, leur pilosité, la taille et la forme du bec qui les prolonge (par exemple pas de bec chez C. flacca), le fait qu'ils soient lisses, bosselés ou nervés, leur couleur (l'aspect brillant des utricules de C. liparocarpos est typique), tout cela doit être observé attentivement.
L'écaille est, elle aussi, à examiner précisément : présence d'une pointe, couleur, nervures (les écailles brunes avec nervures vertes donnant un aspect bicolore aux épis femelles de C. panicea le font reconnaître de loin).
Enfin, il faut se rappeler que chez les Carex, où l'hybridation entre espèces est importante (mais peu stable), l'observation doit porter sur plusieurs exemplaires, les individus non conformes sont nombreux.
Voici la répartition très simplifiée des différentes espèces de Carex de notre région (ne sont cités que les noms d'espèces) par grands types de milieux.
Ceci est bien sûr assez arbitraire, car de nombreuses espèces peuvent se rencontrer dans différents habitats, mais cela permet cependant de lister de façon assez discriminante les espèces potentielles de chaque milieu.
En gras, les espèces fréquentes :
● dunes : extensa
● zones rudérales : divulsa
● forêts méditerranéennes : depauperata, depressa, grioletii, olbiensis, distachya, oedipostyla
● prairies de plaine : flacca, praecox, muricata
● garrigues : halleriana, humilis
● landes montagnardes : pilulifera
● fossés : hirta, cuprina
● zones humides de plaine : acutiformis, hispida, hordeistichos, distans, punctata, hostiana, flava, tomentosa, divisa
● sources, marais et tourbières de montagne : lasiocarpa, vesicaria, rostrata, panicea, laevigata, binervis, mairei, pallescens, umbrosa, brachystachys, buxbaumi, bicolor, cespitosa, nigra, acuta, chordorrhiza, disticha, spicata, diandra, paniculata, echinata, canescens, davalliana, pulicaris, pauciflora, microglochin
● causses : brevicollis, liparocarpos
● ripisylves et mares : riparia, pendula, elata, pseudocyperus
● forêts montagnardes : sylvatica, digitata, montana, alba, ferruginea, remota
● pelouses alpines et subalpines : capillaris, ornithopoda, ericetorum, sempervirens, firma, mucronata, frigida, atrata, parviflora, curvula, foetida, macrostylon, pyrenaica, rupestris
● prairies montagnardes : ovalis, caryophyllea
Bibliographie : Flore des Carex en France. Gérard DUHAMEL, Editions BOUBÉE. Magnifique et facile d'utilisation.
Jean-Paul Salasse
Co-président des Écologistes de l'Euzière
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Les championnes du champignon
Les championnes du champignon
Eh oui, certaines espèces américaines, communément appelées “coupe-feuilles”, sont en effet spécialisées dans la consommation de champignons. Ces fourmis, appartenant aux genres Atta et Acromyrmex, construisent de véritables champignonnières, qu’elles entretiennent consciencieusement.
La cueillette
Tout commence par la création d’un “tas de compost”, qui servira de base à la culture; et pour cela, il faut des restes végétaux. Qu’à cela ne tienne, une équipe d’ouvrières récolteuses part à l’assaut de la végétation : elles grimpent le long des troncs d’arbres, coupent le pétiole des feuilles, faisant ainsi tomber le précieux butin. Une équipe, restée en bas, s’empare des feuilles et les découpe en morceaux : ni trop gros, ni trop petits, juste la taille permettant le transport. Le relais est alors pris par l’équipe chargée du convoyage. Chaque fourmi surmontée de son fragment de feuille ou de fleur ressemble à un mini-parasol qui se déplace à grande vitesse, escortée par des fourmis-soldats. C’est joli, mais que de dégâts dans la végétation !
La découpe et la mise en culture
Les colis végétaux sont apportés jusque dans le nid, gigantesque structure composée de milliers de chambres enterrées à quelques mètres de profondeur. La livraison est alors prise en charge par d’autres ouvrières, chargées de la découpe de précision : les premières font des lanières, les suivantes, plus petites, de fins fragments, puis d’autres, de plus en plus petites, des lambeaux de plus en plus minuscules, formant une sorte de pâte. En bout de chaîne, des “mini-ouvrières” récupèrent cette mixture et l’incorporent dans le jardin à champignons, mélange intime entre les filaments du champignon et les fragments végétaux.
Les plus petites fourmis de la colonie sont les jardinières, qui travaillent d’arrache-pied à l’entretien de la culture. En bas du jardin, elles arrachent des touffes de filaments de champignon, pour les planter en haut, là où a été déposée la pâte végétale. Elles enrichissent aussi le haut du jardin en engrais de leur propre fabrication : leurs déjections comportent en effet des substances du champignon qu’elles consomment, substances capables de dégrader la matière végétale, venant compléter ainsi l’action directe du champignon.
Les traitements phytosanitaires
Les jardinières éliminent les parties malades du champignon et appliquent également des produits phytosanitaires biologiques : d’une part, elles produisent des substances antibiotiques qui empêchent la contamination de la champignonnière par des bactéries pathogènes.
D’autre part, elles vivent en association avec une bactérie qui produit un antifongique puissant capable d’éliminer un champignon parasite de celui qu’elles cultivent.
C’est une véritable production agro-alimentaire.
Une association champignon-fourmis à bénéfices réciproques
En effet, le champignon dégrade les résidus végétaux et utilise les produits de cette dégradation pour construire sa propre matière : des filaments qui sont consommés par les fourmis et des renflements (appelés mycotêtes), plus riches et qui servent à nourrir les larves et les reines. Mais n’allez pas croire que le champignon est une simple victime dans cette histoire : il tire lui aussi des bénéfices substantiels de l’association. Dans le sous-sol creusé par les fourmis, il trouve en effet des conditions idéales de température et d’humidité et est à l’abri des consommateurs de champignons. L’arsenal pharmaceutique dont disposent les fourmis le met également à l’abri de maladies bactériennes et fongiques.
Un matrimoine culturel ?
Et si chez nous, les recettes à base de champignons se transmettent de génération en génération, c’est peut-être les fourmis qui nous l’ont inspiré : une fourmi fondatrice ne quitte jamais sa colonie d’origine sans sa dot, composée d’un fragment de filament de champignon, qui lui servira à ensemencer sa nouvelle colonie, et d’un “kit de secours” sous la forme d’un filament de bactérie antifongique.
Sabri Hurtrez, 12 ans, est le junior du groupe faune dont il est un des membres fidèles depuis le début. Sylvie,
sa maman, est coprésidente des Écolos et enseignant-chercheur en
biologie-écologie. Les deux passent beaucoup de temps dehors, notamment
dans leur jardin, à regarder les plantes pousser et à observer les
animaux, sauvages et domestiques.
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Nature l'eus-tu tu ? - EChOS#3
Nature l'eus-tu tu ? - EChOS#3
Jacques Exertier, membre du CA depuis 2017. Cousin éloigné du sténobothre bourdonneur et du barbitiste du côté de mon père, de l'anarrhine et du cochlostome du côté de ma mère.
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Les herbes de la Saint-Jean
Les herbes de la Saint-Jean
Nous approchons de ce fameux jour de célébration populaire, traditionnellement accompagné de grands feux de joie, et dont les origines païennes semblent fort anciennes. C'est le moment d'emmagasiner les forces du soleil avant que les nuits ne rallongent. Lors du solstice d’été, s’opèrent des correspondances naturelles et rituelles entre l’homme et son environnement, dotant par là même les plantes de vertus toutes particulières.
Aux origines de la Saint-Jean
Dans nos pays, les débuts de la chrétienté sont marqués par une remise en question du paganisme existant : aux pratiques multimillénaires mêlant magie, superstition et invocations aux divinités, s’oppose le culte d’un seul dieu.
Dès le 4e siècle, alors que la puissance de l’église et de son dogme s’affirme, les personnes se livrant à des pratiques idolâtres sont poursuivies et condamnées ; allumer des torches, vénérer des arbres, des fontaines ou des pierres relève du sacrilège. Au 7e siècle, le conseiller du bon Roi Dagobert préconise même la destruction des fontaines et l’abattage des arbres sacrés, pour en finir avec des rituels d’un autre âge.
L’église n’aura de cesse de poursuivre son œuvre d’éradication, et ce plus ou moins jusqu’au 17e siècle. Cependant, force est de constater la survivance du paganisme, et au-delà même, l’appropriation par la chrétienté de nombreux de ses rituels, comme c’est le cas pour les fêtes de la Saint-Jean.
À quel moment la célébration du solstice d’été fut-elle reliée à Saint-Jean ? Il est difficile de le préciser. Quoi qu’il en soit, à la date du 24 juin correspond la naissance, considérée comme sacrée par les chrétiens, de Jean le Baptiste. Grand prêcheur de son temps, Jean pressentit la naissance de Jésus et, le moment venu, procéda au bain rituel dans l’eau du Jourdain, afin de le préparer à sa mission (baptême relaté dans les trois évangiles). Les concordances symboliques corroborent la lecture biblique puisque le solstice d’été augure le signe zodiacal du cancer, caractérisé par l’élément eau, et le solstice d’hiver, six mois après, annonce Noël et la venue du Christ, dans le signe de feu du sagittaire.
Un rituel par le feu
Les fêtes de la Saint-Jean s’inscrivent dans le prolongement de rites celtes, slaves et germaniques, qui visaient déjà à préserver les semences issues des moissons, et par extension symbolique, à favoriser toute forme de fertilité et d’abondance. Leur pratique, contrariée par l’église, a été de quelques jours décalée de la date du solstice (19 ou 21 juin).
Fête de la St Jean par Jules Breton (1875)
Au centre de ces rituels : le feu, symboliquement relié à l’astre solaire. Purificateur, il a le pouvoir d’amener protection à la vie des hommes et à ses biens, aux maisons, aux animaux, tout en éloignant les influences néfastes. Musique et danse accompagnent les nombreux vœux formulés autour du brasier et invitent les jeunes gens à la prouesse. Ainsi, sauter le plus haut possible au-dessus des flammes renforce les chances d’une bonne récolte ou d’un mariage heureux.
Suivant les régions et les époques les pratiques varient, incluant le plus souvent des processions au flambeau, pèlerinages vers les sources, jeux pour les jeunes gens, tels des rites de passage… Le feu embrase des formes variées : bonhomme de paille, roue, tonneau ou brandon (tronc de conifère fendu et érigé), comme dans les Pyrénées, où cette tradition toujours vivante est aujourd’hui protégée d’un statut de “patrimoine culturel immatériel de l'humanité”.
Des plantes aux multiples vertus
Porteuses de nombreux symboles, investies du feu de la terre et de l’énergie solaire condensés, les herbes prennent toute leur place dans ces rituels.
Leurs pouvoirs magiques et guérisseurs sont encore plus grands lorsque la floraison coïncide avec la période solsticiale et qu’elles bénéficient de la présence de rosée déposée à leur surface. Ainsi il est dit, le jour de la Saint-Jean à l’aurore, “d’avoir les pieds nus et avancer dans la rosée, en marchant à reculons pour que la main ne cueille pas plus que la poignée nécessaire”.
Certes, une fois récoltées, ces herbes solaires peuvent être conservées pour des usages médicinaux futurs. Elles sont avant tout destinées à favoriser la chance, susciter l’amour, éloigner les dangers et les mauvais présages. Ainsi les jeunes filles arborent des couronnes tressées de fleurs ; des bouquets bénits sont suspendus au-dessus des portes, donnés en offrande aux sources miraculeuses ou jetés dans le brasier avec force incantations. Ces plantes sacrées peuvent également remplir de petits sachets de lin, portés comme talismans, placés sous l’oreiller ou entrer dans la composition de philtres d’amour.
“Les 7 herbes de la Saint-Jean”
La première des fameuses herbes de la Saint-Jean est le millepertuis, cité à travers toute l’Europe ; la deuxième est l’armoise puis suivent la sauge, l’achillée millefeuille, la verveine officinale, la joubarbe des toits et le lierre terrestre.
De nombreuses autres plantes portent toutefois le nom populaire “d’herbe de la Saint-Jean”, comme l’armoise, la camomille, la menthe, la petite centaurée, la mélisse, le romarin, la bétoine, le plantain, la rue, l’absinthe, la fougère polypode du chêne, etc. il y en aurait une vingtaine, voire une centaine selon certains auteurs…
Doute quant à leur nombre, ce qui est compréhensible, au vu de la longue période d’histoire traversée et de la variété des territoires concernés. Doute également au sujet de leur identité, l’usage de noms vernaculaires, antérieur à la généralisation de la nomenclature en latin au 18e, ayant donné lieu à des confusions multiples.
Le millepertuis, plante du soleil
Choisissons ici de décrire une herbe emblématique de la Saint-Jean, au caractère solaire rayonnant, tant sur le plan de sa forme que de sa composition. Le millepertuis présente en effet des inflorescences d’un jaune or, dont les fleurs ont des pétales qui semblent tourner comme les rayons d’une roue, et des poches glandulaires contenant une essence rouge feu.
Hypericum perforatum, Hypéricacés
Le nom de “chasse-diable” fait référence à des usages magiques ancestraux, perpétués pendant l’Antiquité et tout le Moyen âge. Son pouvoir “d’éloigner les esprits malins” trouve en quelque sorte son prolongement aujourd’hui dans le traitement de la dépression, puisque le Moyen âge considérait ce type d’affection comme relevant de phénomène de possession. Par une action stimulante sur certains neuromédiateurs cérébraux, le millepertuis “ramène du soleil” dans nos vies, lorsque insomnie, angoisse et dépression se sont installées. Notamment nous savons que le manque de luminosité affaiblit les productions de mélatonine et de sérotonine, et engendre ainsi une baisse de moral ; il se trouve que la prise de cette plante permet d’améliorer ce que les médecins nomment “déprime hivernale” ou “dépression saisonnière”.
Le millepertuis porte également les noms communs “d’herbe aux piqûres”, “herbe aux brûlures”, “herbe du charpentier” etc. Son usage traditionnel le plus ancien découle en effet de ses propriétés cicatrisantes, particulièrement mises en avant au 13e siècle, par les médecins de l’école de médecine de Montpellier.
Par voie orale, sous forme de poudre, extrait sec ou hydroalcoolique, ou bien en applications locales de son huile rouge solarisée, la sommité fleurie de millepertuis constitue un remède précieux de la phytothérapie, comme de l’homéopathie. Attention cependant aux réactions de photosensibilisation cutanée pouvant survenir après une exposition solaire, et aux nombreuses interactions médicamenteuses susceptibles de restreindre son usage ; à ce sujet, prendre l’avis d’un spécialiste.
Huile rouge de millepertuis
En complément, vous pouvez lire l’article paru dans la revue La Garance Voyageuse, n°78 Eté 2007 intitulée “Le pouvoir protecteur des plantes de la Saint-Jean”, par Hubert Schneckenburger.
Annie Fournier, Dr en pharmacie, formatrice et rédactrice dans le domaine des plantes médicinales et de la santé naturelle, adhérente de l'association depuis 2000.
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Enigme - EChOS#3
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Solution de l’énigme du numéro précédent : « Des genêts sur l’herbe »
Jacques Exertier, membre du CA depuis
2017. Cousin éloigné du sténobothre bourdonneur et du barbitiste du côté
de mon père, de l'anarrhine et du cochlostome du côté de ma mère.
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Jean Burger, J’ai fait partie de
l’équipe des écolos des premières années, en tant qu’étudiant bénévole
puis comme salarié. Depuis le virus de faire connaître et partager la
nature avec les autres ne m’a plus quitté. Quand les sorties sur le
terrain m’en laissent le temps, je suis aussi coprésident de cette belle
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Mots croisés - EChOS#3
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Solution au prochain numéro...
Solution du numéro précédent :
Luc David, Géologue de formation, il a donc bien les pieds dans le sol et la
tête dans les étoiles. Du sol au terroir et à la qualité du vignoble il n'y a qu'un
pas qu'il ne faut pas hésiter à franchir avec lui.
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