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Recettes


Une autre façon de consommer les salades sauvages : Les plats d'herbes cuites

Les « salades sauvages », sont aussi consommées cuites en Languedoc et Provence. C'est de préparations d'herbes cuites dont il va être question ici. Nous préférons ce terme car nous réservons le terme de « salades sauvages » à la consommation crue et assaisonnée de ces mêmes végétaux. Les deux ensembles, les salades sauvages et les herbes à cuire, ne doivent pas être confondus, même si les premières forment l'essentiel des secondes. Les crucifères sauvages mangées en salade n'apparaissent pas dans les plats d'herbes cuites. D'autres plantes apparaissent dans ces plats (Rumex crispus L.). Et par exemple, certains consommateurs du coquelicot cuit ignorent qu'il peut être mangé cru en salade. Ils apparaissent dans deux registres de consommation différents qui se distinguent, de plus, de la consommation animale (lapin et cochon). Lors du ramassage seules les plantes les plus tendres étaient consommées crues, les autres étaient partagée entre les humains et les animaux. Les plus belles étaient cuites au profit des premiers et les plus abîmées abandonnées aux seconds.

Les préparations d'herbes cuites

Au XXe siècle jusqu'après la seconde guerre mondiale et lors de siècles qui ont précédés, l'alimentation du monde rural agricole était centrée sur l'autoconsommation des ressources produites dans les champs et le jardin. Les préparations d'herbes cuites, bourbouillades languedociennes et tians comtadins, comme les salades sauvages venaient en rompre la monotonie. De même pour les asperges sauvages, les champignons, les escargots et le petit gibier. Aussi ces divers aliments sont ils évoqués avec nostalgie dans les divers témoignages. Alors que des personnes qui ne les mangeaient pas, les désignent comme des « plats de pauvres », aussi, lorsque les ouvrages de recettes décrivent ces deux types de préparation c'est une plante cultivée, l'épinard, qui est citée.
Les soupes d'herbes sont plus rarement évoqués et n'apparaissent pas dans les livres de recettes, aussi anciens soient-ils. Peut-être est-ce du au fait que, nécessitant beaucoup moins d'ingrédients (juste de l'eau) que les bourbouillades et tians, elles pouvaient être consommées pendant les périodes d'extrême pénurie et par des populations très défavorisées ? Et donc, liées à des circonstances douloureuses, on se serait empressé de les oublier.
Ce n'est pas le cas des deux fleurons de cette gastronomie rurale qu'étaient le « boudin aux herbes » (préparé lorsque l'on tuait le cochon) et la « peau farcie » (en fait de la poitrine de veau désossée) où les herbes entraient dans la préparation des farces.

Pour réaliser ces préparations

Sachez que les plantes ramassées, n'ont pas besoin d'être aussi tendres que pour être mangées en salade que le lavage dans l'eau vinaigrée est ici inutile, les éventuels parasites étant détruits par la cuisson.

Les bourbouillades

Le mot dérive de barbolhada il désigne en Languedoc des préparations à base « d'herbes » préalablement blanchies qui sont hachées puis revenues dans l'huile ou la graisse, tout en étant remuées (barbolhada) avant qu'on y ajoute une liaison.
Les herbes utilisées sont données dans chaque recette avec une grande précision, comme si la réussite du plat en dépendait. Mais elles diffèrent d'une recette à l'autre. Lorsqu'on les cumule on recouvre l'ensemble des salades sauvages à l'exception des crucifères et de la raiponce consommée avec sa racine. Le coquelicot est la plante la plus souvent citée, son goût doux et la générosité de ses rosettes, pourraient en être la raison. Les rumex (patience violon et Rumex crispus) sont fréquemment utilisés pour leur saveur légèrement acide. Si certains y incorporent des plantes amères, la grande majorité privilégie celles qui ont une saveur douce.
Les bourbouillades étaient aussi réalisées avec des blettes ou des épinards. Cela dépendait des moyens et des goûts de chacun, mais aussi de la saison. Il est encore possible de ramasser des herbes, après la fin de la récolte des épinards.

Une recette de bourbouillade:
- Nettoyer puis blanchir les herbes, bien les essorer, ne pas hésiter à les presser fortement.
- Hacher les.
- Faire roussir dans une poêle des lardons maigres dans un peu d'huile d'olive, y ajouter au dernier moment de l'ail haché.
- Ajouter les herbes cuites, baisser le feu et remuer le tout « un bon moment », jusqu'à ce que l'eau se soit évaporée.
- Saupoudrer d'une ou plusieurs cuillerées à soupe de farine, remuer.
- Verser doucement du lait chaud en tournant la bourbouillade jusqu'à épaississement du plat.
- Servir avec des oeufs durs, coupés en tranche, posés sur le dessus.
- On peut ajouter des croûtons frits au beurre.

(Mme Germaine Rolland, le Pouget (34) recette recueillie en 1979 et souvent mise en pratique)
Remarque : Diverses variantes sont possibles, l'oignon peut remplacer l'ail, du beurre peut être ajouté, les lardons peuvent être remplacés par des anchois, etc. On peut aussi tout simplement y brouiller des oeufs.

A propos des bourbouillades, Honnorat note pour la Provence dans son dictionnaire (1846-1848) : « mélange de choses qui n'ont aucun rapport de conformité ; ce mot désigne aussi une macédoine de rêves : Favas à la barboulhada ; un ragoût dans lequel entrent plusieurs espèces de légumes ou de viandes, oeufs brouillés, etc. ». Il n'est sera pas question ici.


Les tians

Le mot tian désigne un ustensile de cuisine traditionnel en Provence : un plat en terre (mais aussi une écuelle ou une bassine). Il est issu du grec têganon variante de tagênon (forme étymologique) « poêle à frire », mot technique sans étymologie connue (Alain Rey). Il existe une variante du nom tianoum ou tiamoun pour le Var.
Mais il désigne aussi diverses préparations culinaires destinées à aller au four (préparations souvent traduites par gratin). Le tian d'herbes ou d'épinards est donné comme étant propre au Comtat Venaissin (une partie du département du Vaucluse qui fut un des états de l'église). Le plat était aussi, dans le Comtat et surtout ailleurs, réalisé avec d'autres légumes et même du poisson. Le tian confectionné avec des aubergines et des courgettes est devenu un plat emblématique de la cuisine provençale.
Mais ces tians étaient aussi réalisés avec des herbes, cela ne transparaît pas dans les recettes, mais dans des discussions avec des vauclusiens lors de sorties botaniques à Sérignan du Comtat (84), chez Fernand Benoit, ou dans une enquête réalisée par Magali Amir dans le Luberon.
Voici la recette d'un tian d'épinards recueillie par Calixtine Chanot-Bullier (1892-1978) : « Voici le plat d'épinard type, pour la région comtadine : mettez à cru dans un plat à gratin, les épinards, les assaisonner, les saupoudrer de farine, les arroser d'huile et porter le plat au four du boulanger. » Cette dernière consigne donne à penser que cette recette est antérieure à la seconde guerre mondiale. Mais son austérité nous a incité à l'adapter à partir d'autres propositions.

Une recette de tian d'herbes
(Les proportions sont données pour un demi kilo d'herbes triées)

- Cueillir le même genre d'herbes que pour une bourbouillade.
- Laver, essorer avec soin et couper finement
- Mettre dans un grand saladier.
- Ajouter de l'ail haché, de la noix muscade, du sel, du poivre et trois à quatre cuillerée d'huile d'olive.
- Ailleurs, délayer des cuillères à soupe de farine dans dut décilitres de lait, poivrer.
- Mélanger et verser dans un tian.
- Etaler avec soin couvrir de fromage râpé puis de chapelure.
- Faire cuire, dans un four à 150°, entre une heure quinze et une trente selon la quantité.
- Goûter et prolonger la cuisson si nécessaire.
- Faire gratiner cela n'est sera que meilleur.

Remarque : Le fromage râpé n'est pas indispensable.


Peau farcie

Voici une recette que nous avons adaptée et mise en oeuvre à plusieurs reprises. La difficulté de sa réalisation dépend de la bonne volonté de votre boucher à vous préparer une poitrine de veau pour obtenir une poche que vous pourrez garnir de farce. Pour les herbes il faut privilégier le coquelicot. La quantité de farce est difficile à définir car elle dépend du volume de la poche que vous arriverez à coudre avec la « peau ». Et les proportions dépendent de votre volonté de privilégier ou non les herbes dans la farce.
- Préparer une farce avec les herbes, de la mie de pain trempée dans du lait, des oeufs, de la chair à saucisse et si l'occasion se présente des « lardons taillés dans un talon de jambon cru.
- Remplir la poitrine et coudre soigneusement l'ouverture.
- Préparer un pot au feu classique et porter à l'ébullition.
- Plonger la poitrine et faire cuire deux heures.
- Servir le potage puis la poitrine présentée au milieu des légumes du pot au feu.

Boudin aux herbes

Ce boudin était préparé, lorsqu'on tuait le cochon dans les fermes. D'après les témoignages recueillis par Alain Renaux, c'est celui qui était préparé avec du coquelicot qui était considéré le meilleur. S'il n'y en avait pas assez on utilisait les mêmes herbes que pour la bourbouillade ou des épinards, ou des feuilles de blettes.
Les herbes étaient hachées, mélangées avec du gras de porc, du sang frais, on en farcissait un morceau de boyau et on mettait à bouillir.

Une mention particulière doit être réservé au pourpier, qui est trop crassulescent pour être considéré comme une herbe, qui pousse l'été et qui était consommé sous les deux formes, cultivé et sauvage.


Tian de pourpier

- Effeuiller du pourpier (au moins 1 kg) et faites-le blanchir.
- Faire dorer un peu d'oignon haché dans de l'huile d'olive.
- Ajouter quelques filets d'anchois. Les faire fondre.
- Verser le pourpier. Saler, poivrer. Faire bien revenir.
- Mettre une mie de pain trempée dans le lait. Mélanger.
- Saupoudrer de fromage râpé et laisser un peu refroidir pour lier avec trois jaunes d'oeufs.
- Tourner rapidement le mélange et garnir un tian.
- Poser quelques morceaux de beurre dessus et mettre au four.

(D'après Calixtine Chanot-Bullier)


Soupe de pourpier

- Peler et couper les en morceaux un demi kilo de pommes de terre. Les faire cuire avec deux
- poireaux dans 2,5 litres d'eau salée.
- Ajouter deux bonnes poignées de pourpier et passer au tamis après 2 heures de cuisson.
- Remettre sur le feu.
- Sortir du feu, délayer deux jaunes d'oeufs et servir

(Recette niçoise donnée pour 4 personnes par Calixtine Chanot-Bullier)

C. M.


Bibliographie


Dictionnaires :

- Honnorat Simon judas, Dictionnaire provençal-français, ou Dictionnaire de langue d'oc ancienne et moderne ; ..., Repos, Digne, 1846-1848.
- MISTRAL Frédéric, Lou trésor dou felibrige ou dictionnaire provençal-français (2 T.), R. BERENGUIÉ 1878 (Reprint 1968).
- REY Alain (sous la direction de) LE ROBERT Dictionnaire historique de la langue française (3 T.), Paris, 1998.

Languedoc :

- Renaux Alain, Autrefois, Le soir en herbe la plante et l'enfant, Les presses du Languedoc, Montpellier, 1998.
- Simonet Suzanne, Le grand livre de la cuisine occitane, J. P. Delarge, Paris, 1977.
- Études Héraultaises 1997-1998 n° 28-29 : Cueillette et chasse dans les garrigues, site étudesheraultaises.fr.

Provence :

- Amir Magali, Les cueillettes de confiance, Les Alpes de Lumière, Parc naturel du Luberon, 1998.
- Barsotti Glaudi, Le Bouil et le tian, la cuisine du terroir provençal, Edisud, Aix en Provence, 1996.
- BENOIT Fernand, La Provence et le Comtat Venaissin Arts et traditions Populaires, Aubanel , Avignon, 1975.
- Chanot-Bullier Calixtine, Vieii receto de cousino prouvençalo, vieilles recettes de cuisine provençale, Tacussel, Marseille, première édition en Provençal 1966.
- Ouvrage collectif, Inventaire du patrimoine culinaire de la France : Provence-Alpes-Côte d'Azur, Albin Michel, Paris, 1995.